
Paris, le jeudi 23 juin 2016 – Les choses commencent à se corser autour de la table des négociations conventionnelles entre les cinq syndicats représentant les médecins libéraux et l’Assurance maladie. Flegmatique, cette dernière constate : « Nous entrons dans cette dernière ligne droite du mois de juillet où le tableau va commencer à se préciser. C’est assez logique que les choses se tendent » a observé la CNAM après la séance houleuse de ce mercredi 22 juin.
Rien pour le secteur 2
Au programme, un sujet épineux : la revalorisation des actes techniques. L’Assurance maladie propose une évolution des modificateurs J et K, dans certaines situations, mais une suppression de ces derniers dans d’autres cas. Une revalorisation de 5 % de certains actes à fort impact de santé publique est également à l’étude, ainsi que la création d’un modificateur spécifique pour les interventions lourdes concernant les jeunes enfants ou l’obésité morbide. Des augmentations pourraient également concerner les actes chirurgicaux et obstétricaux réalisés en urgence. "Bien sûr", ces différentes évolutions ne concernent que les praticiens de secteur 1 et les adhérents au Contrat d’accès aux soins (CAS).
Trompe l’œil
La déception a été unanime pour les syndicats. D’abord, parce qu’une fois encore l’Assurance maladie n’a toujours pas révélé avec précision le montant global de son enveloppe budgétaire. Ensuite, parce que le secteur 2 paraît une nouvelle fois marginalisée. Les organisations regrettent par ailleurs un "saupoudrage" et des augmentations en trompe l’œil. « Nicolas Revel fait des propositions de revalorisation sur des actes qui ne sont pas ou peu pratiqués, et diminue les actes les plus courants : la revalorisation de la prothèse de cheville pratiquée par une poignée d’orthopédistes en est le meilleur exemple ! » déplore la Fédération des médecins de France (FMF) dans un communiqué publié hier.
Plat de lentilles
Cette insatisfaction des syndicats s’est mue en colère, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) se montrant la plus déterminée en annonçant qu’elle quittait la table des négociations et qu’elle ne participerait pas aux prochaines rencontres. « Cela fait quatre mois que l’on discute toutes les semaines ! Si l’on n’a pas de texte avec des propositions chiffrées et significatives, en particulier au niveau financier, ce n’est pas la peine de continuer » a tonné le patron du syndicat, Jean-Paul Ortiz. Dans un communiqué, le syndicat ironise encore en affirmant qu’ « un simple avenant aurait suffi ! » pour entériner les maigres propositions de l’Assurance maladie, qui se résume à un « plat de lentilles ». Les représentants du Bloc ont également claqué la porte hier, sans préciser cependant si cette sortie était définitive. « C’est clair, c’est confirmé, l’Assurance maladie veut continuer à dérembourser les actes de chirurgie. Les propositions de la Caisse ne riment à rien », a fulminé, cité par le Quotidien du médecin, le président du syndicat, Bertrand de Rochambeau.
Le gouvernement va devoir abattre ses cartes
Du côté de la FMF, la rupture n’est pas encore consommée, mais l’exaspération est certaine. « La FMF en a soupé de ces interminables séances de diapositives ! » constate le syndicat qui continue cependant de présenter de nouvelles propositions. En l’absence de véritable « plan Marshall » pour la médecine de ville, le syndicat de Jean-Paul Hamon plaide pour un « nouveau CAS » ouvert à tous les médecins. Plus discrets, le Syndicat des médecins libéraux (SML) et MG France nourrissent cependant la même impatience que les autres organisations quant à l’absence de transparence de l’Assurance sur les fonds dont elle dispose.
Il est cependant très probable que les 1,2 milliards d’euros minimum attendus par les syndicats ne puissent être atteints. « Le gouvernement va devoir faire un choix politique et déterminer quelle somme il est prêt à mettre pour arriver à un accord avec les médecins » déclare l’ancien responsable des questions de santé au Parti socialiste, Claude Pigement, interrogé par Le Monde.
Aurélie Haroche