
Paris, le vendredi 1er juillet 2016 – Jusqu’à aujourd’hui le tiers payant est un droit opposable dans un certain nombre de situations (Couverture médicale universelle (CMU), Aide médicale d’Etat (AME), victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, participation à un dépistage organisé, etc.). A partir du 1er juillet, il pourra également être proposé par les médecins aux personnes relevant du régime ALD (affection longue durée) qui étaient 9,8 millions en 2014 et aux femmes enceintes à partir du sixième mois de grossesse. Dans les faits, les praticiens étaient déjà nombreux à pratiquer une telle dispense d’avance de frais pour ces patients, ce qui était toléré par l’Assurance maladie : 66 % des généralistes et 76 % des spécialistes utilisent ce système pour leurs malades en ALD et respectivement 56 % et 39 % pour les femmes enceintes.
Pénalité augmentée
Le changement qui intervient aujourd’hui ne concerne donc pas tant la pratique que le système mis en place. Cette question a on s’en souvient été l’objet de nombreuses discussions à l’occasion de l’examen de la loi de santé ; les médecins redoutant un dispositif trop complexe. Une plateforme d’accompagnement a donc été mise en place qui sera accessible à partir du 4 juillet et qui sera animée par une équipe de conseillers accessible du lundi au vendredi de 8h à 17h et jusqu’à 20h les mercredi et jeudi (des amplitudes horaires qui pourraient ne pas être parfaitement adaptées à l’exercice de certains praticiens). Par ailleurs, des pénalités seront appliquées en faveur des praticiens : un euro devra être versé pour tout retard de plus de sept jours, auquel s’ajoutera une majoration de 10 % du montant de la consultation à partir du neuvième jour. Si cette seconde mesure est destinée à répondre aux critiques des syndicats qui avaient moqué l’insuffisance de l’euro symbolique, elle ne suffit pas aujourd’hui à convaincre les praticiens. On signalera par ailleurs que si les franchises avaient été supprimées pour les patients bénéficiant de l’Aide à la complémentaire santé (ACS) l’été dernier pour plus de simplicité, concernant les personnes en ALD, elles seront prélevées directement par l’Assurance maladie, ce qui suppose l’envoi d’un RIB (et pourrait déplaire à certains patients).
Des médecins conscients de la situation sociale de leurs patients
Les syndicats de médecins libéraux voient dans cette nouvelle étape de l’extension du tiers payant l’occasion de réaffirmer leur détermination à refuser toute obligation. Ils rejettent notamment la culpabilisation s’appuyant sur l’argumentation sociale. Les frais à avancer pour les patients en ALD ou les femmes enceintes sont importants : 640 euros pour une femme enceinte en moyenne et 1 100 euros par an pour un patient diabétique rappelle le ministre de la Santé. Les médecins sont parfaitement conscients de cette situation mais soulignent qu’ils pratiquent déjà régulièrement le tiers payant dans les cas où la situation sociale du malade rend très difficile le paiement. Ils se refusent cependant à ce que le système devienne une contrainte et veulent demeurer libres de pouvoir adapter le mode de paiement au cas par cas.
La bataille commence maintenant
Ainsi, l’ensemble des syndicats réaffirme aujourd’hui son hostilité au système. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) ironise ainsi sur l’absence d’ouverture de la plateforme d’assistance le week-end et met en doute l’efficacité du dispositif en remarquant que les médecins qui appliquent ponctuellement le tiers payant sont déjà confrontés à des difficultés administratives. « La CSMF refuse cette dérive bureaucratique et s’interroge : pourquoi entraver le travail du médecin par un dispositif obligatoire sous prétexte d’une accessibilité sociale, alors qu’il ne règlera pas les véritables problèmes d’accès aux soins, essentiellement dentaires, optiques et audioprothèses ? » conclue l’organisation qui appelle les praticiens à la désobéissance civile. Cet appel déjà lancé au moment de l’extension du tiers payant aux patients bénéficiant de l’ACS n’avait cependant pas empêché la progression de la pratique. De son côté, la Fédération des médecins de France (FMF) qui régulièrement met en avant sur son site des exemples de ratés de l’application du tiers payant exhorte : « Ne vous laissez pas endormir par la facilité apparente, puisque vous n’aurez qu’un flux, vers la CPAM. C’est maintenant que nous devons montrer notre détermination à ne pas accepter le tiers-payant généralisé. Continuez à faire comme avant, le tiers-payant offert pour les patients qui en ont besoin ». MG France avait pour sa part il y a quelques semaines redit son refus de toute obligation.
Calendrier
Ce regain de bellicosité est destiné à préparer les batailles futures. Car si l’extension du tiers payant aux patients en ALD et aux femmes enceintes n’est aujourd’hui qu’une "invitation", elle deviendra un droit opposable pour les patients à partir du 1er janvier 2017. A cette même date, le tiers payant pourra également s’appliquer pour tous les actes, avec une participation des mutuelles en ce qui concerne le ticket modérateur. Concernant uniquement la part prise en charge par la Sécurité sociale, ce tiers payant deviendra un droit opposable à partir du 31 décembre 2017 à moins que d’ici là des événements politiques aient modifié cette dynamique.
Aurélie Haroche