Justice ordinale et pénale : des appréciations différentes des obligations des médecins régulateurs du SAMU

Alençon, le mercredi 12 octobre 2016 - La justice ordinale et la justice pénale ne convergent pas toujours face à la pratique d'un médecin. C’est ce que rappelle une affaire concernant un médecin régulateur du SAMU de l’Orne. En mai 2015, les parents d’un enfant de cinq mois le contactent inquiets. Le nourrisson présente une forte fièvre. Le praticien conseille alors un bain et la prise de Doliprane. Cependant, au moment de préciser la dose à administrer, le médecin aurait manqué de précision, évoquant d’abord une cuillère à café puis à soupe et variant entre une cuillère et demi ou deux cuillères. Le lendemain, toujours fébrile, l’enfant est hospitalisé. Il meurt quelques semaines plus tard, victime selon certains journaux, mais sans confirmation, d’un surdosage de paracétamol.

A qui revient la charge de préciser les antécédents médicaux ? Tout dépend du tribunal !

Saisi, le parquet a classé l’affaire sans suite. L’instruction a notamment mis en avant l’absence de précision par la mère de l’enfant de la réalisation d’un vaccin la veille, de la naissance prématurée de la petite fille et de la découverte d’un souffle au cœur lors d’une récente consultation pédiatrique. La justice a considéré que l’absence de précisions avait empêché le médecin d’apprécier parfaitement la situation et a donc rejeté l’hypothèse d’une  faute. Mais devant l’Ordre, ce n’est plus à la mère qu’a été reproché le manque de détail, mais au médecin. Le Conseil régional de Basse Normandie a en effet considéré que le praticien avait manqué à ses devoirs en ne s’enquérant pas plus précisément des antécédents de l’enfant, ce que confirme l’enregistrement. Ce dernier met également en évidence l’imprécision du praticien concernant la posologie de paracétamol recommandée. « L'interrogatoire de la mère par le docteur B. a été très insuffisant : il n'a, de ce fait, pas été à même de porter un diagnostic pertinent de l'urgence » écrit l’Ordre qui ajoute : « De même, la prescription approximative de médicaments et l'omission de toute diligence tendant à garantir un suivi médical, éventuellement hospitalier, constituent des manquements graves aux obligations du médecin régulateur du Samu dans l'élaboration du diagnostic, les soins et la prescription ». Aussi, le praticien a-t-il été condamné à un an d’interdiction dont six mois avec sursis et une « injonction de formation dans la domaine de la régulation médicale » a été prononcée. La décision, susceptible d’appel, ne prendra effet que le 1er janvier 2017.

Des surdosages pas si rares et pas si anodins

Alors que le même Samu de l’Orne, actuellement en grève pour obtenir des moyens supplémentaires, a été au cœur d’une tempête à la même époque, des parents, d’un enfant également décédé, lui reprochant d’avoir refusé d’intervenir alors que le nourrisson présentait une forte fièvre (proche de 42°C) (à moins qu’il s’agisse du même enfant avec des présentations médiatiques différentes, notre enquête n’a pas permis de le confirmer), cette affaire paraît mettre en évidence les possibles limites de la régulation médicale. De manière plus consensuelle, ce dossier voient rappeler une nouvelle fois l’importance de ne pas considérer le paracétamol comme un médicament anodin. Les surdosages ne sont pas rares : 163 cas d’erreurs ont été rapports à l’Agence nationale de sécurité du médicament entre mars 2013 et décembre 2015. Les nourrissons et enfants sont les plus fréquemment concernés (70 %) et dans un quart des cas le professionnel de santé peut être mis en cause dans l’erreur. Quand seules les familles sont en cause, l'erreur est souvent liée à une utilisation inappropriée des ustensiles de dosage : la nécessité de respecter ces derniers est régulièrement rappelée par le biais de campagnes de l’ANSM. Rappelons enfin que le surdosage de paracétamol est la première cause de greffe de foie pour hépatite aiguë grave en France.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Quel objectif ?

    Le 12 octobre 2016

    Les radiations et interdictions d'exercer volent bas ces derniers temps, même pour une affaire classée sans suite par la justice. Que veut montrer l'Ordre anti-fresque ?

    Dr Bernard Albouy

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