
Paris, le jeudi 13 octobre 2016 – De médicale et éthique, la tragique histoire de Vincent Lambert, victime d’un très grave accident de voiture en 2008, qui l’a laissé dans un état végétatif chronique sans espoir de récupération, est devenue un cas d’école judiciaire. Au début de l’été, la décision de la cour administrative d’appel de Nancy constituait un énième rebondissement.
La suspension de la procédure épinglée
On se souvient (peut-être) qu’après la confirmation de la légitimité de la décision d’arrêt des soins par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme, le CHU de Reims avait décidé en juillet 2015 d’ouvrir une nouvelle procédure collégiale. Cependant, quelques jours après cette annonce, le docteur Daniela Simon, en charge du patient après le retrait de son prédécesseur de la tête du service de soins palliatifs de l’hôpital, avait considéré que le climat autour du patient n’était pas de nature à permettre une prise de décision sereine. La procédure collégiale était donc suspendue. Ce choix de Daniela Simon a été contesté devant les tribunaux par les membres de la famille de Vincent qui souhaitent qu’on « le laisse partir », une option qui serait conforme aux positions exprimées par l’ancien infirmier. Le 16 juin dernier, la cour administrative d’appel se prononçait donc. Contrairement aux arguments avancés par les proches de Vincent, la cour considérait tout d’abord qu’en choisissant d’ouvrir une nouvelle procédure collégiale (plutôt que de reprendre celle initiée précédemment et validée par la justice), le docteur Daniela Simon avait choisi la meilleure option. La cour se montrait plus sévère cependant concernant la décision du praticien de suspendre la nouvelle procédure. « La recherche d’un climat apaisé autour de M. Vincent Lambert ne permet pas de suspendre, sans fixer de délai, le cours de la procédure collégiale » avaient apprécié les juges. Aussi, donnaient-ils trois mois au CHU pour reprendre le processus.
Un pourvoi suspensif de fait ?
Cette période passée, le CHU ne s’est cependant pas conformé aux injonctions du juge. Cette immobilisme est probablement lié au pourvoi en cassation constitué par les parents de Vincent Lambert qui pour leur part refusent l’idée d’un arrêt des soins. Bien que le pourvoi ne soit pas suspensif, l’exécution de l’injonction étant susceptible d’entraîner la mort de Vincent, le CHU a pu considérer de manière légitime qu’il se devait d’attendre son résultat. Ce n’est cependant pas l’opinion de François Lambert, neveu de Vincent, qui se bat pour obtenir l’arrêt des soins de ce dernier. Il juge en effet que le CHU se devait d’exécuter le jugement de la cour d’appel et vient donc face au retard constaté de former un recours devant le tribunal administratif. Il veut notamment voir le CHU condamné à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Face à la difficulté que constitue la concomitance du pourvoi, la juridiction a décidé de renvoyer l’affaire au Conseil d’Etat.
Conflits idéologiques
Pour François Lambert, l’effet suspensif de fait du pourvoi en raison de la nature de l’affaire n’est pas la principale raison expliquant l’immobilisme de l’hôpital. « Le CHU a un positionnement idéologique et militant en réalité. Seuls des médecins "pro-vie" sont contents de cette situation » écrit-il dans un texte transmis aux journalistes. Il reproche également : « Le CHU refuse catégoriquement de répondre à la question de l'acharnement thérapeutique concernant Vincent, sans jamais le prendre en compte lui et ses souhaits, actés par des décisions de justice ». « Depuis seize mois, il y a un jeu de rôle entre l’hôpital et les parents de Vincent Lambert. Les parents vont multiplier les appels et les recours. Il y aura perpétuellement des procédures en cours, ce qui arrange l’hôpital », dénonce-t-il encore.
Aurélie Haroche