
Paris, le vendredi 21 juillet 2017 – Depuis la fin des années 90, les associations de lutte contre le Sida militent pour la levée de l’interdiction des soins funéraires aux personnes porteuses du VIH, actée depuis 1986 et qui avait été justifiée par la crainte d’un risque de transmission du virus. Le combat fut long et marqué par de multiples atermoiements des pouvoirs publics. Alors que la plupart des agences sanitaires (du Conseil national du Sida jusqu’au Haut conseil de la Santé publique) prenaient position en faveur de la levée de l’interdiction (à la condition généralement que les règles élémentaires d’hygiène soient simplement respectées), le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, avait assuré avant de quitter l’avenue de Ségur en 2011 que l’évolution de la situation était assurée et qu’elle ne nécessitait que la signature de son successeur. Las, avec l’arrivée de Marisol Touraine, tout le travail de persuasion et de consultation dut de nouveau être conduit. Aussi, bien que le gouvernement précédent s’était engagé à régler la question de manière réglementaire (après l’échec de la voie législative) et que plusieurs décrets préparatoires (pour renforcer la sécurité des thanatopracteurs) ont été publiés au début de l’année, les associations redoutaient fortement que le changement de gouvernement n’entraîne un nouveau report du dossier. C’est pourquoi dès le lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron assénèrent-elles une piqûre de rappel qui a été efficace : hier un arrêté est paru au Journal officiel qui entérine le travail réalisé par l’équipe précédente et qui confirme, qu’à partir du 1er janvier 2018, l’infection par le VIH est retirée de la liste des affections empêchant l’accès à des soins funéraires de conservation.
Une tentative avortée en 1998
Il s’agit de la fin d’un long combat qui a été marqué par de multiples revirements et rebondissements. Ainsi, dès 1998 les pouvoirs publics avaient considéré que les réglementations particulières concernant la thanatopraxie, compte tenu de l’actualisation des connaissances sur la transmission du VIH, n’avaient plus totalement lieu d’être et prirent un arrêté qui les annulait en grande partie. Des questions de procédure aboutirent à une annulation partielle du texte par le Conseil d’Etat un an plus tard. En vertu de cette décision et alors que la Fédération française des pompes funèbres n’avait pas caché en 1998 son opposition à une modification des dispositions, l’arrêté de 1986 est demeuré appliqué jusqu’à aujourd’hui.
Difficile vaccination contre l’hépatite B
Une nouvelle contestation juridique est-elle possible aujourd’hui ? Dans le Figaro, le président du Syndicat professionnel des thanatopracteurs indépendants et salariés ne cache pas sa volonté d’étudier les voies de recours contre cet arrêté. Il considère en effet que les mesures prises par le gouvernement pour renforcer la sécurité des thanatopracteurs sont insuffisantes. L’appréciation du risque est en réalité complexe. Si aucun cas de transmission n’a jamais été rapporté, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) reconnaissait en 2014 que « la thanatopraxie (…) présente de réels risques biologiques par l’utilisation des instruments, la réalisation des points de suture ». Au-delà de cette détermination du danger particulièrement difficile, les thanatopracteurs pourraient exiger un délai supplémentaire en raison de la nécessité, prévue par un décret récent, de procéder à la vaccination par l’hépatite B des spécialistes des soins funéraires. Or, en cette période de pénurie du vaccin, qui impose des mesures de rationnement, il est possible que l’exigence de la protection des thanatopracteurs ne soit pas assurée en janvier 2018.
Discrimination globale
Les associations de lutte contre le Sida sont, en raison de la longueur de leur combat, qui disent-elles leur laisse un « goût amer », conscientes du risque de nouveaux retards. Aussi, soulignent-elles qu’elles se montreront vigilantes mais savourent néanmoins leur victoire. Dans la presse, les compagnons de séropositifs enterrés ces dernières années témoignent de la douleur d’avoir dû découvrir le visage méconnaissable de l’être aimé faute de soins. Ils évoquent le sentiment d’être des « parias jusque dans la mort ». Jean-Luc Romero qui a ardemment milité pour obtenir cette victoire assure pour sa part que cette stigmatisation post mortem concourrait à une discrimination globale encore prégnante. « C’est une avancée contre la sérophobie : on ne peut pas dire aux personnes porteuses du VIH "ne soyez pas honteux", et dans le même temps continuer à tolérer ces discriminations. Nous étions d’ailleurs en France parmi les derniers pays à maintenir cette interdiction » relève-t-il dans 20 Minutes. Il est vrai que nos voisins ont été nombreux à lever les interdictions qui prévalaient en leur sein, mais les soins funéraires sont également très marginaux dans de nombreux pays d’Europe. En France, selon l’IGAS les soins de thanatopraxie concernent 200 000 personnes sur les 545 000 décès recensés chaque année.
Aurélie Haroche