
Paris, le lundi 15 octobre 2018 – Non sans douleur, en
partenariat avec l’Institut national du cancer (InCA), des
autorisations ont été délivrées il y a neuf ans (d’abord par les
Agences régionales d’hospitalisation puis par les Agences
régionales de santé) aux établissements de santé concernant la
réalisation de différents actes de chirurgie oncologique, « sur
la base des seuils d’activité minimale et de l’offre de soins
prévue dans chaque région ». Ces agréments sont régulièrement
révisés : 868 établissements étaient dûment habilités à traiter les
patients atteints de cancer, ils ne sont plus aujourd’hui que 743
(379 établissements publics et 364 privés). La violation de ce
régime d’autorisation peut entraîner la perte globale de la
labellisation des équipes chirurgicales de l’établissement, mais
les sanctions sont très rares.
Chirurgie oncologique du sein : 115 établissements dans l’irrégularité
Pourtant, dans de nombreux cas, des centres sans agréments
continuent à réaliser des actes de chirurgie oncologique. Il peut
s’agir d’interventions réalisées en urgence ou à titre
compassionnel (ce qui ne saurait être critiqué), mais dans de
nombreux cas, les équipes considèrent que bien que n’atteignant pas
les seuils fixés, elles sont dans la capacité d’offrir une prise en
charge de qualité à leurs patients. Ainsi, concernant la chirurgie
mammaire en 2014, sur les 571 services ayant facturé des actes à
l’Assurance maladie, 115 n’étaient pas habilités à pratiquer de
tels actes ; ce qui représente 2 000 patientes chaque année selon
les estimations données par le docteur Olivier Véran, député LREM
de l’Isère.
Une augmentation significative du risque de mortalité et de réadmission
Cette situation représenterait un risque certain pour les
patients, comme l’ont confirmé de nombreuses études nationales et
internationales. Ainsi, début 2010, l’Institut de recherche et
documentation en économie de la santé (IRDES) confirmait que la «
probabilité de réadmission à trente jours est plus élevée dans
les établissements à faible volume d’activité pour six prises en
charge (sur huit, ndrl) » dont la chirurgie du cancer du côlon.
De son côté, dans un rapport publié cet été, l’Assurance maladie
avançait concernant les femmes souffrant d’un cancer du sein, qu’à
un an, le taux de mortalité est deux fois plus élevé quand
l’intervention est réalisée par une équipe non autorisée (29 décès
sur 1 000 patientes opérées, vs 14,4/1000) (mais cette
différence de mortalité n’est sans doute pas uniquement liée à
l’intervention).
Permettre à l’Assurance maladie de ne pas payer
La difficile adéquation entre performance du centre et celle du praticien et entre accessibilité et qualité
Si cette sanction ne répond pas à la question délicate (mais
pourtant fondamentale pour les patients) de la différenciation
entre activité chirurgicale d’un centre et activité chirurgicale de
chaque chirurgien (on peut imaginer que dans une structure
habilitée, les chirurgiens réalisent personnellement peu d’acte et
inversement que dans un centre non agrémenté il existe des
praticiens plus expérimentés), Olivier Véran l’accompagne néanmoins
d’une réflexion plus globale sur les seuils. A ses yeux et cette
position est partagée par la CNAM, ces derniers devraient être
relevés (tandis que certains encore inexistants devraient être
créés comme dans le cas de la chirurgie de l’ovaire).
Concernant la chirurgie du cancer du sein, un relèvement du
seuil de 30 à 150 interventions par an nécessaires pour être
agrémenté (ce qui permettrait de mieux répondre aux standards
internationaux) conduirait à retirer leur habilitation à 338
établissements. On espère cependant que l'éventuelle augmentation
des seuils sera progressive et tiendra compte des faibles chiffres
des nouveaux établissements. Si une telle perspective est
prometteuse d’amélioration de la qualité des soins, elle pourrait
être freinée par la crainte de réduire l’accessibilité aux soins en
augmentant notamment le trajet pour se rendre à un centre habilité.
Mais Olivier Véran rétorque que les projections montrent qu’un
relèvement des seuils ne conduirait à augmenter que de 20 à 30
minutes le temps de parcours en moyenne, soit un "coût" modéré face
à une amélioration significative de la qualité. Reste à savoir si
cette équation optimiste sera ainsi avalisée par le ministère de la
Santé.
Aurélie Haroche