
Paris, le mardi 5 février 2019 – Inaugurant hier les septièmes
rencontres de l’Institut national du cancer (InCA), institution
dont elle fut la présidente, Agnès Buzyn, après s’être félicitée
des bons résultats enregistrés en matière de lutte contre le tabac,
a annoncé qu’un rapport d’évaluation du troisième plan cancer
devrait lui être remis au mois d’octobre. Ce rapport, a précisé le
ministre, devra notamment s’intéresser à ce qui demeure
insuffisant. En la matière, le ministre de la Santé n’a cependant
pas évoqué un sujet qui concentre aujourd’hui l’attention, à la
faveur d’une tribune publiée par treize chirurgiens de centres de
pointe (Institut Curie, HEGP, Centre Jean Perrin…) : les actes de
chirurgie oncologique réalisés en dehors du régime d’autorisation
géré par les pouvoirs publics.
Perte de chance
Le troisième plan cancer s’était notamment donné comme
objectif global de s’attaquer « aux inégalités face à la
maladie » en particulier en « luttant contre les pertes de
chance lors de la prise en charge ». Cette perte de chance peut
notamment être liée à la qualité diverse des centres consultés. On
le sait, en effet, certains, en raison notamment d’un faible volume
d’activité, présentent de moins bons résultats en terme de
complications et de mortalité. Pour faire face à cette situation,
un régime d’autorisation a été mis en place il y a dix ans par
l’INCA en collaboration avec les Agences régionales de santé (ARS).
Ainsi, pour être habilité à réaliser différentes chirurgies
oncologiques, les établissements doivent atteindre des « seuils
d’activité minimale ».
Des différences nettes en fonction des volumes d’activité
De nombreuses publications ont confirmé l’impact du volume
d’activité sur les risques de complication et de mortalité. On se
souvient par exemple qu’étudiant la « probabilité de réadmission
à trente jours », une étude de l’Institut de recherche et
documentation en économie de la santé (IRDES) avait confirmé en
2010 un risque accru dans « les établissements à faible volume
d’activité pour six prises en charge » sur huit, dont la
chirurgie du cancer du côlon. De même, l’Assurance maladie a
comparé les taux de mortalité à un an des femmes opérées pour un
cancer du sein dans un centre habilité ou non habilité : ils
varient de 14,4/1000 à 29/1000. Si bien sûr il existe d’autres
facteurs que le volume d’activité des centres pour expliquer cette
différence (et notamment entre autres facteurs de confusion
possible, le fait que le choix d’un centre de proximité sera plus
facilement fait pour des patients présentant des conditions de
santé moins favorables), cette différence confirme le rôle de
l’expérience et de la spécialisation des structures.
Des sanctions financières en vue
Une réorganisation majeure de la chirurgie oncologique indispensable
Cette évolution est largement soutenue par treize chirurgiens
qui ont donc signé hier sur Europe 1 une tribune qui rappelle
l’importance de réserver « la chirurgie des tumeurs solides
» aux « chirurgiens spécialisés dans un environnement
spécialisé ». Ils rappellent notamment ce que recouvre ce terme
d’ « environnement spécialisé » : « La chirurgie d’un
cancer nécessite une expertise technique que seuls un enseignement
et un entrainement intensifs et spécialisés peuvent produire. Un
chirurgien du cancer doit maîtriser des techniques très diverses,
dépassant le plus souvent le champ de sa propre spécialité
d’origine afin de réaliser une intervention assurant le retrait
total de la tumeur, sans dissémination, sans fragmentation, avec un
taux de complications contrôlé et des séquelles limitées.
L’acquisition de cette expertise ne peut se faire que dans des
structures prenant en charge un nombre important de patients au
contact de chirurgiens déjà expérimentés et provenant de
spécialités diverses. Cette expertise se nourrit d’une
transversalité étendue et d’une interaction quotidienne entre
chirurgiens. Il est donc nécessaire pour offrir une prise en charge
idéale que non seulement un chirurgien qui souhaite se consacrer au
cancer ait une formation spécifique, mais qu’il exerce dans une
structure au contact de collègues nombreux aux spécialités
différentes » insistent-ils. Après avoir encore rappelé le rôle
de la « répétition » et de la parfaite connaissance de la
maladie dans un contexte d’hyper spécialisation de l’oncologie,
après avoir souligné l’importance de la multidisciplinarité, ils
appellent donc à « une réorganisation majeure de la chirurgie du
cancer ».
Aller au-devant des critiques
Voilà donc alors que doit déjà commencer à être élaboré le quatrième plan cancer un sujet complexe et central.
Aurélie Haroche