Aide sociale à l’enfance : députés et gouvernements déterminés à agir pour améliorer un système défaillant
Paris, le jeudi 7 mars 2019 – Depuis quelques mois, les initiatives
se multiplient pour dénoncer les dysfonctionnements de l’Aide
sociale à l’enfance (ASE). On pourra notamment citer la tribune
publiée dans Le Monde par Lyes Louffok, membre du Conseil national
de protection de l’enfance (et ancien enfant placé) se réjouissant
que « la lumière se fasse enfin sur les difficultés de placement
et sur des institutions parfois corrompues, où la sécurité et le
bien-être des enfants sont secondaires » et affirmant que «
ce n’est pas une fatalité d’ajouter de la maltraitance à la
maltraitance ». Ce texte était publié deux jours après la
diffusion remarquée d’un reportage sur France 3 (dans le cadre de
l’émission Pièces à conviction) auquel Lyes Louffok a participé,
concentré sur les déboires (souvent marqués par la violence) de
plusieurs foyers d’ASE. Certains ont regretté le parti pris très
orienté de ce documentaire, sans guère d’évocations de réalités
différentes (qui existent pourtant), telle l’Union nationale
interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux
(Uniopss). Il semble néanmoins que ce documentaire ait été le point
de départ d’une prise de conscience de certains élus de la
République (mécanisme que certains pourront d’ailleurs quelque peu
regretter). Ainsi, au lendemain de sa diffusion, plusieurs députés
LREM, conduits par Perrine Goulet (qui fut elle-même une enfant
placée) ont défendu la nécessité de créer une commission d’enquête
parlementaire sur le fonctionnement de l’ASE. Ils viennent d’être
entendus : la mission d’information, qui comptera 23 députés, a été
créée en ce début de semaine. Elle se concentrera sur la formation
des personnels, l’application des mesures éducatives et la
répartition des rôles entre l’État et les départements.
Angle mort des politiques publiques
Le partage des compétences entre l’État et les départements
constitue en effet un point essentiel quand on connaît les
disparités territoriales qui existent. Quand certains départements
œuvrent largement pour améliorer la qualité de l’ASE, certains se
contentent du strict minimum. Pour corriger cette situation, le
gouvernement a adopté il y a un mois un document de référence,
adressé aux départements, en vue d’atteindre collectivement
l’objectif de « zéro sortie sèche » de l’ASE. Le
moment de la sortie de l’ASE constitue en effet un passage
extrêmement délicat alors que la précarité et la solitude attendent
généralement la plupart des jeunes adultes pris en charge, dont
beaucoup sont renvoyés ou claquent la porte de leur foyer du jour
au lendemain après leur 18ème anniversaire. Le
gouvernement n’hésite pas à affirmer que « les fins de parcours
des jeunes en protection de l’enfance sont un angle mort des
politiques publiques ». Si certains départements ont mis en
place des « contrats jeunes majeurs » pour poursuivre
l’accompagnement jusqu’à 21 ans, tous, loin de là, ne se sont pas
engagés dans ce sens. Aujourd’hui, le gouvernement veut inviter
l’ensemble des départements à adopter son référentiel
(contractualisation qui permettra de disposer de fonds
supplémentaires de la part de l’État) dont le premier objectif est
la mise en place d’un accompagnement spécifique des jeunes au
moment de leur majorité.
Continuité des soins
Au-delà de cette mesure phare, le gouvernement attend des
départements qu’ils s’engagent pour garantir aux jeunes concernés
leur droit au logement, aux ressources, à l’insertion
professionnelle et aux soins. Sur ce dernier point, il apparaît en
effet que « La continuité du suivi psychologique le cas échéant,
et du parcours de soin n’est pas toujours mise en œuvre (…). La
coordination entre les services des maisons départementales des
personnes handicapées (MDPH) et l’ASE (…) n’est pas toujours
optimale » remarque le gouvernement. Aussi, des dispositions
doivent-elles être prises pour maintenir les prises en charge et
améliorer la prévention auprès de ces populations, qui connaissent
de nombreux comportements à risque. La mise en œuvre de ce volet
devrait être facilité par les évolutions récentes de l’Assurance
maladie qui désormais « deux mois avant les 18 ans des jeunes de
l'aide sociale à l'enfance, [s’engage à] renouveler automatiquement
leur CMU-c pour douze mois afin d'éviter les ruptures de droits.
Avant les 19 ans du jeune, [à] organiser un "rendez-vous droits et
accès aux soins" pour l'accompagner dans la réalisation de sa
première demande de CMU-c et l'informer par ailleurs des services
et dispositifs qui peuvent lui être proposés » détaille le
référentiel du gouvernement. Alors que onze départements ont déjà
"contractualisé" avec l’État pour appliquer ce référentiel (parmi
lesquels beaucoup remplissent déjà les critères fixés), l’objectif
est d’obtenir avant le mois de juin la signature de l’ensemble des
départements.
Les réactions aux articles sont réservées aux professionnels de santé inscrits
Elles ne seront publiées sur le site qu’après modération par la rédaction (avec un délai de quelques heures à 48 heures). Sauf exception, les réactions sont publiées avec la signature de leur auteur.