
Paris, le jeudi 17 décembre 2020 - Jean Castex et Olivier
Véran ont présenté à l’Assemblée nationale le plan vaccination du
gouvernement. Il correspond largement à ce qui avait déjà été
dévoilé en conférence de presse le 3 décembre.
Principale nouveauté, le Premier ministre a précisé que la
campagne de vaccination pourrait débuter dès la dernière semaine du
mois de décembre « si toutes les conditions sont réunies »
plutôt qu’en janvier avec la vaccination « des personnes les
plus âgées accueillies dans les établissements comme les Ehpad
».
Le calendrier s’est accéléré…indépendamment du gouvernement français
Ces conditions sont pour la plupart indépendantes de la
France.
Mardi, l’Agence européenne des médicaments a ainsi annoncé
qu’elle se pencherait le 21 décembre sur l’autorisation de mise sur
le marché du vaccin Pfizer-BioNTech et non le 28, comme
initialement prévu, sous la pression de l’Allemagne et de certains
autres pays membres. Cet avis de l’agence (s’il est positif !)
permettra alors à la Commission européenne de décider de la mise
sur le marché.
En France, la commission technique des vaccinations de la
Haute Autorité de santé (HAS) devra alors publier à son tour un
avis. « Nous sommes prêts à le rendre avant la fin décembre
» a assuré mercredi Elisabeth Bouvet, devant les sénateurs. « On
espère même avant Noël ! » a précisé la présidente de la HAS,
Dominique Le Guludec. « Si toutes les conditions sont réunies,
les premières vaccinations pourraient donc être réalisées dès la
dernière semaine de décembre, avant de monter en puissance à partir
de début janvier » a résumé Jean Castex à la
tribune.
Une question parmi d’autres reste en suspens : la date de
lancement sera-t-elle alignée sur celle des autres pays européens ?
Devant le Parlement à Bruxelles, la présidente de la Commission
européenne, Ursula von der Leyen, a fait savoir que les 27 États de
l’UE pourraient « commencer le même jour » leur campagne de
vaccination contre la Covid-19 ; ce que rien cependant ne garantit
totalement. Un discours d’unité que le ministère de la Santé a
appuyé en signalant que la France avait réuni mardi ses «
principaux voisins » pour « promouvoir la coordination du
début des campagnes de vaccination ». Pour atteindre cet
objectif, le gouvernement indique que la sécurisation de
l’approvisionnement a été opérée à l’échelon européen et que les
vaccins devraient être livrés en même temps dans chaque
pays.
Les détails de Jean Castex et d’Olivier Véran ont en outre
contribué à préciser qu’après la phase initiale qui concernera un
million de personnes (principalement des résidents d’EHPAD) et
durera de six à huit semaines, « pour tenir compte notamment du
délai de vingt et un jours entre la première vaccination et le
rappel », « au fur et à mesure des approvisionnements »,
le vaccin sera élargi aux 14 autres millions de Français présentant
des facteurs de risque, puis s’ouvrira au « grand public » «
à la fin du printemps ». « Chacun devra pouvoir se faire
vacciner par un professionnel de santé à côté de chez lui, qu’il
connaît et en qui il a confiance » a également promis le
Premier ministre, Jean Castex qui a ajouté qu’aucune vaccination «
n'aura pas lieu sans que le consentement éclairé ait pu être
exprimé » durant une consultation médicale qui sera proposée en
amont. « Un dispositif de pharmacovigilance renforcé » sera
mis en œuvre tout au long du processus a également certifié le
ministre de la Santé, Olivier Véran.
Cette présentation schématique laisse en suspens de nombreuses
questions. La logistique du ou des vaccins disponibles
permettra-t-elle d’éviter totalement les centres de vaccination
(qui paraissent écartés pour l'instant) ? La préparation
pratique des EHPAD pour la mise en œuvre de la vaccination (compte
tenu qui plus est une fois encore des aspects logistiques
particuliers du vaccin Pfizer-BioNtech) est-elle suffisamment
avancée pour être assuré d’un démarrage rapide ? Sur ce point le
président de l’AD-PA (Association des directeurs aux services des
personnes âgées), remarque qu’il est difficile de déterminer si les
personnels des EHPAD, épuisés par une année difficile, consentiront
à se lancer dans une telle opération en pleine période de fêtes de
fin d’année, synonyme à la fois de congés et d’activités
particulières dans les établissements.
On s’interroge encore : le consentement devra-t-il être écrit
? La consultation médicale préalable sera-t-elle obligatoire ?
Pourra-t-elle permettre une vaccination dans la foulée ? Autant de
points sur lesquels les discours de Jean Castex et d’Olivier Véran
n’ont pas permis d’apporter de réponses.
Pourquoi 200 millions ?
On relèvera encore comme Jean Castex l’a répété hier que la
France devrait pouvoir bénéficier de 200 millions de doses.
Pourquoi un tel nombre pour un pays de 67 millions d’habitants
?
Dans les faits, les contrats passés par la France
correspondent à des pré-achats réalisés au niveau
européen.
Au printemps, la France, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, les
Pays-Bas, la Suède et la Pologne s'étaient ainsi réunis avec la
Commission européenne pour créer une task force chargée de
négocier avec les laboratoires pharmaceutiques. Des contrats
avaient ainsi été conclus pour près de deux milliards de doses de
vaccin à répartir dans l’ensemble de l'Union européenne, au prorata
de leur population. Avec ces contrats, la France se voyait ainsi
allouée 200 millions de doses.
Six firmes pharmaceutiques étaient alors concernées: les labos
Pfizer-BioNTech (300 millions de doses), AstraZeneca (400
millions), Moderna (190 millions), Sanofi-GSK (300 millions),
Johnson & Johnson (400 millions) et CureVac (405
millions).
Pour le moment, ces vaccins n'ont pas été achetés par les
différents États mais uniquement "pré-achetés". Ils ne
seront effectivement payés qu'une fois livrés, c'est-à-dire, quand
ils auront passé l'étape décisive de l'autorisation de mise sur le
marché au niveau européen.
"C’est plus que nos besoins", avait reconnu Jean Castex
le 3 décembre, qui estime cependant que les près de 30 millions de
doses supplémentaires correspondent à "une marge de
sécurité". Alors que certains vaccins, notamment ceux des labos
Pfizer-BioNTech imposent de nombreux défis logistiques.
Consensus, et en même temps
Les questions des parlementaires ont été nombreuses, même si
aucun d’entre eux n’a remis en question la nécessité de cette
campagne de vaccination ni son calendrier. Les objections à la
marge n’ont cependant pas manqué. Plusieurs députés, à l’instar de
Marine Brenier (Alpes-Maritimes), du groupe Les Républicains, ou
Sylvia Pinel (Tarn-et-Garonne), de Libertés et Territoires, se sont
ainsi étonnés que les personnes vulnérables à domicile ne soient
pas intégrées à la première vague de vaccination.
D’autres se sont inquiétés des conditions dans lesquelles les
vaccins ont été acquis par l’Union européenne. « Il est
inacceptable que cette pandémie alimente l’addiction à la poudre
blanche des profits », a déclaré le communiste André
Chassaigne.
Dans la même veine, le socialiste Gérard Leseul a réclamé «
une déclaration obligatoire des intérêts privés des personnes
concernées et actives dans les différents comités » associés à
la stratégie vaccinale, alors que le groupe de La France insoumise
a demandé la « transparence sanitaire » sur la « sécurité
des vaccins ».
Transparence
Transparence, le mot était donc lâché dans un pays où la
défiance contre les vaccins et celui contre la Covid en particulier
est important. Rappelons ainsi que selon une enquête de l'agence
sanitaire Santé publique France, seule la moitié (53%) des
personnes interrogées en novembre veut se faire vacciner, un
chiffre parmi les plus faibles au monde.
Xavier Bataille