Comirnaty autorisé en Europe, la France annonce un début de campagne vaccinale « prudent »

CNS photo/BioNTech SE 2020/Reuters
Bruxelles, le mardi 22 décembre 2020 – « Du temps où les demandes d'Autorisation de mise sur le marché (AMM) étaient transmises par papier, cela aurait représenté un camion entier ». La comparaison d’Harald Enzmann, président du Comité des médicaments à usage humain (CMUH) de l’Agence européenne du médicament (EMA) est destinée à démontrer l’ampleur des informations analysées par les experts de l’agence pour accorder son autorisation à Comirnaty, le vaccin des laboratoires Pfizer/BioNTech contre la Covid-19, qui n’a nullement été limitée par la rapidité de la procédure.

Homologation pleine en dépit d’informations complémentaires encore en attente

Cette dernière bien qu’accélérée a rigoureusement suivi l’ensemble des étapes réglementaires. Un travail minutieux a notamment été mené en parallèle avec le comité d’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance (PRAC), tandis que le CMUH s’est appuyé sur deux évaluations indépendantes réalisées par la France et la Suède, qui intervenaient en tant que co-rapporteur et rapporteur dans le cadre de cet examen, comme l’indiquent des informations de l’APM. Le résultat de ce travail est que l’Union européenne est la première à délivrer une homologation pleine à Cominarty, quand les autres pays ont accordé des autorisations en urgence. Néanmoins, le feu vert de l’EMA demeure « conditionnel », puisque des informations supplémentaires doivent encore être communiquées à l’agence. Elles concernent notamment les femmes enceintes ou encore l’effet de la vaccination sur les cas asymtomatiques et donc la transmission. « Nous avons mis en place des mesures afin de combler ce manque d'informations et d'adapter nos recommandations le plus rapidement possible si besoin » a précisé Harald Enzmann.

Un succès européen

Dans la foulée de l’accord donné par l’EMA, la Commission européenne a validé l’AMM, avec une célérité détrompant les premières indications suggérant qu’un délai de quarante-huit heures pourrait être nécessaire. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a qualifié l’étape de décisive s’est également félicitée que « le premier vaccin contre la Covid-9 disponible en Europe soit un pur produit de l’innovation européenne », faisant allusion au rôle déterminant joué par le laboratoire allemand BioNTech dans sa conception. Si les premières évaluations sont rassurantes sur la persistance de l’efficacité de ce vaccin malgré la diffusion d’un nouveau variant en Angleterre (comportant notamment une mutation sur la protéine Spike), la Commission européenne a cependant tenu à répéter que la vaccination ne permettait pas, en tout cas dans un premier temps, de se libérer de toutes mesures barrières et autres contraintes, notamment parce que le nombre de doses sera d’abord limité. D’ailleurs, la validation de l’AMM de Comirnaty a été l’occasion de nouveaux appels à la prudence en particulier en cette veille de fêtes.

Coordination symbolique

Le communiqué de la Commission européenne a également donné quelques informations succinctes sur le calendrier à venir. « La Commission, les Etats membres et la compagnie (BioNTech) travaillent maintenant pour une livraison des premières doses le 26 décembre », indique ainsi le texte. L’objectif est ensuite que les premières vaccinations débutent les 27, 28 et 29 décembre dans tous les pays d’Europe. Au-delà cependant de cette coordination symbolique, les États demeurent souverains pour décider de leur calendrier, alors que les niveaux de préparation différent en fonction des pays, ainsi que les conditions d’autorisation.

Personnes prioritaires : la DGS et la HAS se questionnent encore

En France, notamment, l’homologation de l’EMA doit être doublée d’un accord de la Haute autorité de Santé qui doit intervenir avant vendredi. Mais outre cette étape, la préparation doit encore être consolidée sur de nombreux points. Concernant par exemple la détermination des personnes prioritaires, en dépit des premières recommandations publiées par la Haute autorité de Santé (HAS) dès le 30 novembre, des ajustements sont encore en cours comme en a témoigné la publication ce week-end de nouvelles préconisations de la HAS en réponse à une saisine de la Direction générale de la Santé (DGS) constatant « la priorisation en fonction de l’âge versus les comorbidités n’est pas toujours très claire ».

Pas de vaccinodromes mais des supercongélateurs

Concernant la logistique, les zones d’ombre demeurent également. On sait que le gouvernement est confronté à une équation complexe : éviter que les médecins généralistes ne se sentent écartés du processus ce qui pourrait avoir des conséquences dommageables sur l’adhésion de la population tout en répondant au défi que représentent les conditions de conservation particulières du vaccin Pfizer/BioNTech. Sur ce sujet, Olivier Véran, a fait remarquer hier « L’un des sens que nous voulons donner à cette campagne française de vaccination, c’est celui de la confiance. Ne nous précipitons pas. C’est pour cela que vous ne voyez pas d’images de vaccinodromes ». L’absence de vaccinodromes censée être un gage d’une campagne centrée sur la confiance ne permet cependant pas de répondre à différentes questions organisationnelles pressantes. Cependant, parallèlement, l’arrivée des premiers supercongélateurs témoigne de l’amorçage de l’organisation logistique. Une cinquante de super-congélateurs ont été commandés qui doivent être répartis sur l’ensemble du territoire : à Strasbourg, le dispositif a ainsi été installé hier. Des tests sont désormais prévus pour vérifier le bon fonctionnement du système avant qu’il reçoive les premières doses de vaccin. C’est ainsi à partir des hôpitaux que sera réalisé l’approvisionnement des EHPAD dépendants d’une structure hospitalière, alors que les flacons décongelés peuvent être conservés pendant cinq jours entre 2 et 8 °C, et jusqu’à deux heures à température ambiante. Cependant, concernant les autres types d’établissements, la répartition devrait se faire à partir de six plateformes dépositaires via Santé Publique France. De plus amples informations sur cette architecture sont attendues autour du 25 décembre.

Vaccination à la française

Alors qu’on le devine des détails sont encore à affiner, le début de la vaccination dimanche ou lundi (selon les déclarations un peu différentes du ministre de la Santé) semble devoir d’abord être symbolique avant un véritable démarrage plus dynamique en janvier. En tout état de cause, le gouvernement veut à tout prix éviter le sentiment d’une précipitation. « C’est pour cela que je ne vous annonce pas ce matin qu’il y aura 200 000 Français vaccinés le 27 décembre. Nous ne sommes pas dans cette urgence-là » a ainsi martelé hier Olivier Véran décrivant encore une « une vaccination à la française », qui « prend le temps de s’assurer que les conditions sont réunies pour que la confiance soit au rendez-vous ». Parallèlement à cette mesure affichée par le gouvernement, des messages plus pressants commencent à se faire entendre. Ainsi, dans Libération un médecin réanimateur incite les Français : « Vaccinons-nous ». En Allemagne, le climat est parfois plus âpre. Ainsi, les propos d’un généticien réputé Wolfram Henn considérant dans les colonnes du tabloïd Bild que les anti-vaccins ne devraient pas être prioritaires en cas de saturation des lits de soins intensifs ont suscité une certaine polémique. Ils témoignent cependant que partout la vaccination contre la Covid-19 entraîne une certaine fébrilité.

Aurélie Haroche

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