Désunion européenne sur les vaccins

Le chancelier autrichien Kurtz se rendra en Israël demain pour conclure un accord sur les vaccins
Bruxelles, le mercredi 3 mars 2020 – De plus en plus de pays de l’Union Européenne (UE) envisagent de se tourner vers l’extérieur de l’Union pour se fournir en vaccins. L’accord européen sur les vaccins est en voie de se fissurer.

Cela partait d’un bon sentiment. Dès le mois de juin dernier, les 27 États membres de l’UE ont décidé de mutualiser l’achat des futurs vaccins, afin d’éviter la concurrence entre États et notamment de ne pas léser les plus petits pays. C’est donc l’Union Européenne qui a mené seule les négociations avec les laboratoires pharmaceutiques, au nom des États membres, et qui a procédé aux commandes de vaccins pour l’ensemble des États membres.

Une bonne idée, fidèle aux valeurs européennes, qui a rapidement tourné au fiasco. Les négociateurs européens se sont montrés trop prudents, trop obsédés par l’idée de réduire les couts (sans vraiment tenir compte de celui d’une journée de confinement et/ou d’une journée de réanimation) et probablement pas assez aguerris à ce type de discussions. L’Agence européenne du médicament (EMA) applique des procédures jugées trop longues par certains membres de l’Union pour homologuer les vaccins. Et l’approvisionnement des états se fait au compte-goutte.

La Slovaquie et la Tchéquie se tournent vers la Russie…

Résultat, la campagne de vaccination européenne est particulièrement lente. Selon les pays, seulement 4 à 7,5 % de la population a reçu une dose et entre 2 et 3 % des habitants ont reçu les deux doses. Des chiffres très faible si on les compare à ceux de pays européens non-membres de l’Union, comme le Royaume-Uni, ou même la Serbie, où 13,5 % des habitants ont reçu une dose et 7,5 % les deux injections.

Face à cet échec, de plus en plus d’États européens se montrent impatients et souhaitent contourner l’accord européen. Jusqu’alors, seul la Hongrie de Vitkor Orban avait rompu la solidarité européenne en commandant des doses du vaccin russe Spoutnik V, non homologué dans l’Union.

Mais ce lundi, la Slovaquie et la République Tchèque ont également fait part de leurs intentions de se faire livrer en vaccin russes. Confronté à une situation épidémique particulièrement difficile (la Slovaquie déplore 120 morts par jour pour 5 millions d’habitants), les deux pays jugent insuffisante l’aide de Bruxelles, qui leur a promis 100 000 doses de vaccin Pfizez supplémentaire chacun. « Nous ne pouvons plus attendre la décision de l’EMA. Un vaccin russe ou chinois, ce n’est pas une centrale nucléaire » a expliqué le premier ministre tchèque Andrej Babis. La Pologne a de son côté annoncé avoir entamé des négociations en vue de l’achat de vaccins chinois.

…et l’Autriche et le Danemark vers Israël

L’Autriche et le Danemark ont eux décidé de se tourner vers un allier inattendu : Israël. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz et la première ministre danoise Matte Frederiksen se rendront ce jeudi à Tel-Aviv pour négocier un accord de production de vaccins Pfizer avec l’Etat hébreu, leader mondial de la vaccination (55 % des Israéliens ont déjà reçu une dose). « L’Autriche ne dépendra plus de l’Union Européenne » a déclaré le chancelier Kurz, qui a lui aussi dénoncé la lenteur de l’EMA. Un brin plus modéré, la première ministre danoise a précisé que cette démarche « n’était pas le signe d’un manque de confiance en l’Union Européenne ».

Du côté de Bruxelles, on préfère minimiser ces désaccords. On rappelle notamment que les États membres ont toujours eu le droit de compléter le système européen en menant leur propre démarche pour s’approvisionner en vaccins. Toujours est-il que l’accord européen sur les vaccins semble se fissurer et que l’espoir que cette crise sanitaire soit l’occasion de créer une Europe de la santé s’éloigne de plus en plus.

Quentin Haroche

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