
Un mécanisme d’interférence virale ?
Plusieurs facteurs ont, probablement, joué un rôle dans le déclin très prononcé de la circulation du virus grippal. La mise en place des mesures barrière pour le contrôle de la transmission du SARS-Cov-2 (port d’un masque facial, distanciation sociale, fermeture des lieux de travail et des écoles, restriction des repas pris à l’extérieur…) est à citer tout comme les changements de comportements en réponse à la pandémie (travail à domicile, diminution drastique des voyages internationaux et intérieurs, quarantaine à l’arrivée…), en complément, naturellement, de la vaccination antigrippale. On ignore, par contre, si l’infection à SARS-Cov-2 peut, par elle-même, conférer une protection contre la grippe, par un mécanisme d’interférence virale. Une étude épidémiologique britannique, menée du 20 Janvier au 25 Avril 2020 sur 19 256 individus a révélé qu’une infection par un virus grippal (nombre de cas : 992) était associée à un moindre risque d’infection par le SARS-Cov-2 (n=4 443), l’odds ratio (OR) étant calculé à 0,42 (IC 95 % : 0,31- 0,56). De plus, il a été mis en évidence qu’une co infection SARS-Cov-2 et grippe était associée à un risque plus grand d’admission en soins intensifs (OR : 2,08 ; IC 95 % : 1,17- 3,7) et de décès (OR : 2,27, IC 95 % : 1,23- 4,19) en comparaison avec une infection isolée par SARS-Cov-2. On ignore si la circulation du virus grippal tendra à réaugmenter durant cet été quand les mesures anti-Covid et la limitation des voyages auront diminué, même si cette circulation est typiquement faible durant cette période. A titre d’exemple, le relâchement des mesures anti-Covid au Cambodge a été suivi d’une réascension de la circulation du virus AH3N2 durant les mois d’Aout et de Septembre 2020. Par ailleurs, même si les données 2020-2021 concernant la vaccination anti grippale à travers le monde, ne sont pas disponibles, on peut penser qu’une vaccination antigrippale élargie a pu réduire l’activité grippale bien que la campagne vaccinale, dans certains pays tels que l’Australie, le Chili, l’Afrique du Sud soit plus faible que celle aux USA.La recherche concomitante des virus grippaux et du SARS-Cov-2 devant un CAP devrait être systématique
En pratique clinique, les tests de détection de la grippe sont
des tests antigéniques rapide qui ont une sensibilité allant de
modérée à moyenne haute et une forte spécificité au niveau des
prélèvements respiratoires pour les virus grippaux A et B. Par
comparaison, les tests moléculaires par amplification génique
possèdent une forte sensibilité couplée à une forte spécificité.
Les premiers peuvent occasionner plus de faux négatif en période de
forte activité virale. A l’inverse, en cas de faible prévalence
grippale, il est possible d’observer plus de résultats faux
positifs. Il s’en suit que, durant les périodes de faible
prévalence, les tests rapides doivent être couplés à des tests
moléculaires, notamment pour le suivi des épidémies d’affections
aiguës respiratoires en milieu institutionnel.
La souche A(H3HN2) circule largement en Asie avec une morbi-mortalité plus importante parmi les sujets âgés
En termes de santé publique, il faut se souvenir que, malgré
le déclin observé dans le monde entier, plusieurs virus grippaux,
différents génétiquement, continuent à circuler en Asie comme cela
a été identifié au Bengladesh et au Cambodge sans que l’on puisse,
à ce jour, sélectionner une souche candidate pour un futur vaccin.
Toutefois, récemment, l’OMS a reconnu l’intérêt d’actualiser les 2
souches A(H3N2) et A(H12N1) en les combinant avec les antigènes
vaccinaux déjà retenus pour la saison 2021-2022 dans l’hémisphère
nord. On ignore, cependant, le devenir de la souche A(H3N2) qui
circule largement et qui est associée à une morbi-mortalité plus
importante parmi les sujets âgés.
Dr Pierre Margent