Qu’en est-il de l’activité grippale dans le monde ?

L’impact qu’aurait pu avoir une saison de grippe sévère sur un système de santé déjà mis à mal par la Covid-19 n’a pas été précisément envisagé. Fort heureusement, la période 2020-2021 a été marquée par une circulation restreinte des virus grippaux aux USA. De Septembre 2020 au 15 Mars 2021, seuls 0,051 % des 485 637 prélèvements respiratoires effectués ont été rapportés positifs à un virus grippal par les US Centers for Disease Control and Prevention. Dans les différents laboratoires cliniques US, le pourcentage de positivité a été de 0,18 % versus 10 à 19 % relevés les années précédentes. Durant la même période, le taux d’hospitalisation pour grippe confirmée par un diagnostic en laboratoire a chuté à 0,8/100 000 au 30 Avril 2021 comparativement à un taux moyen de 44,2/100 000 (8,2 à 106/100 000) entre 2010-2019. Il s’agit là du taux le plus bas observé depuis le début de la surveillance en 2005. Les données US se rapprochent fortement de celles notées entre 2020-2021 dans l’hémisphère sud avec absence quasi complète d’activité grippale.

Un mécanisme d’interférence virale ?

Plusieurs facteurs ont, probablement, joué un rôle dans le déclin très prononcé de la circulation du virus grippal. La mise en place des mesures barrière pour le contrôle de la transmission du SARS-Cov-2 (port d’un masque facial, distanciation sociale, fermeture des lieux de travail et des écoles, restriction des repas pris à l’extérieur…) est à citer tout comme les changements de comportements en réponse à la pandémie (travail à domicile, diminution drastique des voyages internationaux et intérieurs, quarantaine à l’arrivée…), en complément, naturellement, de la vaccination antigrippale. On ignore, par contre, si l’infection à SARS-Cov-2 peut, par elle-même, conférer une protection contre la grippe, par un mécanisme d’interférence virale. Une étude épidémiologique britannique, menée du 20 Janvier au 25 Avril 2020 sur 19 256 individus a révélé qu’une infection par un virus grippal (nombre de cas : 992) était associée à un moindre risque d’infection par le SARS-Cov-2 (n=4 443), l’odds ratio (OR) étant calculé à 0,42 (IC 95 % : 0,31- 0,56). De plus, il a été mis en évidence qu’une co infection SARS-Cov-2 et grippe était associée à un risque plus grand d’admission en soins intensifs (OR : 2,08 ; IC 95 % : 1,17- 3,7) et de décès (OR : 2,27, IC 95 % : 1,23- 4,19) en comparaison avec une infection isolée par SARS-Cov-2. On ignore si la circulation du virus grippal tendra à réaugmenter durant cet été quand les mesures anti-Covid et la limitation des voyages auront diminué, même si cette circulation est typiquement faible durant cette période. A titre d’exemple, le relâchement des mesures anti-Covid au Cambodge a été suivi d’une réascension de la circulation du virus AH3N2 durant les mois d’Aout et de Septembre 2020. Par ailleurs, même si les données 2020-2021 concernant la vaccination anti grippale à travers le monde, ne sont pas disponibles, on peut penser qu’une vaccination antigrippale élargie a pu réduire l’activité grippale bien que la campagne vaccinale, dans certains pays tels que l’Australie, le Chili, l’Afrique du Sud soit plus faible que celle aux USA.

La recherche concomitante des virus grippaux et du SARS-Cov-2 devant un CAP devrait être systématique

En pratique clinique, les tests de détection de la grippe sont des tests antigéniques rapide qui ont une sensibilité allant de modérée à moyenne haute et une forte spécificité au niveau des prélèvements respiratoires pour les virus grippaux A et B. Par comparaison, les tests moléculaires par amplification génique possèdent une forte sensibilité couplée à une forte spécificité. Les premiers peuvent occasionner plus de faux négatif en période de forte activité virale. A l’inverse, en cas de faible prévalence grippale, il est possible d’observer plus de résultats faux positifs. Il s’en suit que, durant les périodes de faible prévalence, les tests rapides doivent être couplés à des tests moléculaires, notamment pour le suivi des épidémies d’affections aiguës respiratoires en milieu institutionnel.

La basse circulation des virus grippaux durant la pandémie Covid-19 est susceptible de modifier la décision de recourir à une antibiothérapie en cas de pneumonies acquises en milieu hospitalier (CAP). Ces dernières sont souvent le fait de Staphylococcus Aureus, Streptococcus pneumoniae, Streptococcus de groupe A. A contrario, les CAP bactériennes secondaires sont une complication plus rare en cas de Covid-19. Ainsi, la recherche concomitante des virus grippaux et du SARS-Cov-2 devant une CAP peut utilement guider la mise en route d’une éventuelle antibiothérapie empirique.

La souche A(H3HN2) circule largement en Asie avec une morbi-mortalité plus importante parmi les sujets âgés

En termes de santé publique, il faut se souvenir que, malgré le déclin observé dans le monde entier, plusieurs virus grippaux, différents génétiquement, continuent à circuler en Asie comme cela a été identifié au Bengladesh et au Cambodge sans que l’on puisse, à ce jour, sélectionner une souche candidate pour un futur vaccin. Toutefois, récemment, l’OMS a reconnu l’intérêt d’actualiser les 2 souches A(H3N2) et A(H12N1) en les combinant avec les antigènes vaccinaux déjà retenus pour la saison 2021-2022 dans l’hémisphère nord. On ignore, cependant, le devenir de la souche A(H3N2) qui circule largement et qui est associée à une morbi-mortalité plus importante parmi les sujets âgés.

De par l’historique et l’expérience de la Covid-19, durant les périodes de forte circulation d’un virus grippal, des mesures identiques de distanciation et de précaution, socialement acceptables par la population, sont préconisées, notamment dans les lieux publics, combinées à la campagne de vaccination anti grippale.

Dr Pierre Margent

Référence
Influenza Activity in the US During the 2020- 2021 Season. View Point of T. Uyeki. JAMA, May 24 2021 ; 325 (22) 2247- 2248.

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