
Pointe-à-Pitre, le mercredi 22 septembre 2021 – L’obligation
vaccinale pour les soignants, officiellement entrée en vigueur en
France depuis le 15 septembre dernier, n’est pas appliquée aux
Antilles françaises, en raison d’un taux de vaccination trop
faible.
Le gouvernement s’est confronté au principe de réalité. Depuis
le 15 septembre dernier, tous les soignants de France et de Navarre
ainsi que toutes les personnes travaillant dans des établissements
hospitaliers sont obligés d’avoir reçu au moins une dose d’un
vaccin contre la Covid-19 pour exercer, sous peine de suspension
sans salaire. Mais dans les hôpitaux de Guadeloupe et de
Martinique, aucune sanction de ce genre n’a été prise. Tous les
médecins et infirmiers, qu’ils soient vaccinés ou non, ont pu
continuer à soigner les patients comme si de rien
n’était.
Cette absence de sanction n’est pas un cas de désobéissance.
Elle se fait en accord avec le gouvernement. Le 26 août dernier, le
ministre de la Santé Olivier Véran a en effet précisé que
l’obligation vaccinale des soignants ne s’appliquerait pas
immédiatement aux Antilles. Cette exception s’explique par la forte
pression hospitalière dans les hôpitaux antillais liée au variant
delta mais également au faible taux de vaccination des personnels
de santé des iles. Au CHU de Pointe-à-Pitre, 70 % du personnel
n’avait toujours pas commencé son parcours vaccinal le 13 septembre
dernier. Une défiance qui illustre celle de la population générale
des Antilles : seulement 36 % des Guadeloupéens de plus de 12 ans
sont vaccinés, contre 74 % en métropole. Dans cette situation,
l’application de la vaccination obligatoire des soignants était
impossible.
Jusqu’au quand durera cette exemption ? Impossible de le dire.
« Les modalités particulières concernant les Antilles devront
prendre fin lorsque la situation le permettra » se contente de
déclarer le ministère de la Santé. Un certain flou règne donc,
alimenté par une communication particulièrement erratique. Le 10
septembre, la direction du CHU de Pointe-à-Pitre et l’ARS de
Guadeloupe avaient ainsi informé le personnel soignant que les
sanctions tomberaient bel et bien le 15 septembre avant de se faire
rappeler à l’ordre par Paris. « Les déclarations non concordantes
rajoutent de l’inquiétude et de la colère au sein de la population
» commente le député guadeloupéen Olivier Serva, l’un des rares
élus LREM à avoir voter contre l’obligation vaccinale des soignants
et le passe sanitaire.
Selon les autorités locales, la mise en place de la
vaccination obligatoire sera donc progressive et sera précédé d’une
période de « pédagogie ». « On écrit d’abord un courrier pour faire
comprendre aux soignants et agents de santé l’urgence de la
vaccination, ensuite on appliquera les sanctions » explique Valérie
Denux, directrice de l’ARS de Guadeloupe. L’approche se veut
également territorialisée. A Saint-Barthélemy, où l’épidémie est
sous contrôle, l’obligation vaccinale s’applique déjà et les
sanctions tombent. En Guadeloupe en revanche, les soignants
non-vaccinés devraient pouvoir continuer à exercer au moins jusqu’à
la fin du mois d’octobre.
Reste que la vaccination peine à prendre de l’ampleur chez les
professionnels de santé des iles et les Antillais en général. « La
plupart des soignants vivent cette obligation comme une contrainte
» explique le docteur Tania Foucan, qui exerce au CHU de
Pointe-à-Pitre. Les antivaccins se montrent de plus en plus
menaçants sur les réseaux sociaux. Le directeur du CHU a ainsi
porté plainte pour menace de mort après que des soignants aient été
violemment pris à parti par des antivaccins. La défiance reste donc
grande à l’égard des vaccins contre la Covid-19. Une défiance où,
de l’avis de la plupart des spécialistes, l’Histoire douloureuse
des Antilles françaises joue un rôle prépondérant.
Nicolas Barbet