
En 1978, le gouvernement britannique faisait face à ce que les
historiens ont appelé « l’hiver du mécontentement », une série de
grèves dures dans un contexte de forte inflation. 44 ans plus tard,
l’histoire semble se répéter alors que le Royaume-Uni est touché
par une série de mouvements sociaux. Après les cheminots mardi et
mercredi et en attendant les postiers ce vendredi, ce sont les
infirmières britanniques qui se mettent en grève ce jeudi.
Au total, ce sont près de 100 000 infirmières qui devraient
participer à cette grève historique en Angleterre, au Pays de
Galles et en Irlande du Nord (actuellement en négociations sur
leurs salaires, les infirmières écossaises ne participent pas au
mouvement). Si les services d’urgences, de pédiatrie et de
cancérologie ne devraient pas être perturbés, tous les autres
départements hospitaliers vont voir leur activité fortement
perturbée par cette grève. Des dizaines de milliers de rendez-vous
médicaux vont être annulés et de nombreuses opérations non-urgentes
repoussées. Sauf évolution favorable des négociations avec le
gouvernement, une autre journée de grève aura lieu mardi
prochain.
Une demande d’augmentation des salaires de 19 %
Jamais durant ses 106 ans d’existence, le Royal College of
Nursing (RCN) n’avait appelé à la grève générale. Mais les
conditions économiques difficiles que traversent le pays (inflation
globale de 10 % et hausse des prix de l’énergie) ont finalement
poussé le syndicat national des infirmières à franchir le pas et la
grève a été votée à une assez large majorité par les 300 000
infirmières britanniques. Leur principale revendication est une
hausse des salaires de 19 %, sachant qu’une augmentation de 4 %
leur a déjà été accordée cette année. Elles estiment avoir perdu 20
% de pouvoir d’achat depuis l’arrivée au pouvoir des conservateurs
en 2010.
Affaiblie par deux années de crise sanitaire, le système de
santé britannique connait les mêmes difficultés systémiques que le
nôtre : manque d’effectifs, diminution du nombre de lits, surcharge
administrative, épuisement professionnel… A cela s’ajoute un
problème qui plombe la NHS et qui ne cesse de s’aggraver avec les
années, celui des délais de prise en charge : 10 % des Britanniques
sont sur liste d’attente pour des traitements, dont 380 000
personnes depuis plus d’un an.
Le gouvernement conservateur refuse de céder
En difficulté dans les sondages, le gouvernement conservateur
du Premier Ministre Rishi Sunak n’a pas l’intention de céder aux
revendications des infirmières. La ministre de la Santé Maria
Caulfield, elle-même infirmière, a ainsi indiqué que la demande
d’augmentation des salaires de 19 % était « irréalisable
».
L’exécutif essaye donc d’orienter le débat sur la continuité
des soins et de présenter cette grève comme dangereuse. Le
secrétaire d’Etat à la santé a ainsi considéré comme «
profondément regrettable » que l’appel à la grève ait été
maintenu, affirmant que les infirmières devraient avoir comme «
priorité absolue » la sécurité des patients.
La réponse du RCN ne s’est pas fait attendre, le syndicat
dénonçant une « volonté politiquement motivée de salir, de la
part d’un gouvernement qui laisse tomber les patients ». «
Comment s’assurer que les patients reçoivent les meilleurs soins ?
En s’assurant que l’on a assez d’infirmières, pas en ayant 50 000
postes vacants » a lancé Pat Cullen, secrétaire général du
RCN.
Si le gouvernement conservateur voulait retourner l’opinion
britannique contre les infirmières, l’opération est ratée, les
sondages indiquant un large soutien à la grève de la part des
sujets de Sa Majesté. « Nous sommes avec vous » titrait ce
jeudi The Daily Mirror.
Grégoire Griffard