
Paris, le vendredi 6 janvier 2023 – L’Union Européenne a recommandé la mise en place de contrôles sanitaires aux frontières pour se protéger contre l’arrivée d’un éventuel variant chinois.
Après une semaine d’atermoiement, une décision commune a enfin été trouvée. Ce mercredi, l’ICPR, le comité de gestion de crise de l’Union Européenne, a recommandé aux Etats membres de l’Union Européenne d’imposer à tous les voyageurs venus de Chine la présentation d’un test négatif de moins de 48 heures avant l’embarquement, alors que la Chine est touchée depuis un mois par une épidémie d’ampleur sans précédent. Bruxelles prend ainsi le contre-pied de son organisme de santé publique, l’ECDC, qui avait jugé la semaine dernière que la mise en place de contrôles sanitaires aux frontières était « injustifiée », estimant que « une augmentation de cas en Chine ne devrait pas avoir d’impact sur la situation épidémiologique en Europe ».
Les Etats européens sont également « vivement encouragés » à imposer le port du masque dans les avions venus de Chine et à mener des « tests aléatoires » à l’atterrissage, avec séquençage génomique, ainsi qu’à « tester les eaux usées des aéroports accueillant des vols internationaux ». L’objectif premier de ces tests est de repérer l’entrée en Europe d’un éventuel variant chinois inconnu en Europe.
« Rien d’alarmant » selon Brigitte Autran…mais un tiers des passagers positifs
Pour le moment, seul cinq pays de l’Union Européenne ont mis en place ces contrôles aux frontières : l’Italie, l’Espagne, la Suède, l’Allemagne et bien sûr la France. L’arrêté imposant aux voyageurs venus de Chine de présenter un test négatif (au départ de Chine) et d’accepter un dépistage aléatoire à l’arrivée est entré en vigueur ce jeudi. « Aucun pays ne veut assister à une flambée épidémique sur son territoire, pas après tous les efforts et les sacrifices réalisés depuis bientôt trois ans » a annoncé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran pour justifier cette « mesure de bon sens de protection de nos concitoyens que nous prenons sans ciller ».
L’ancien ministre de la Santé a indiqué que, lors d’un dépistage réalisé sur un avion venant de Chine mardi, un tiers des passagers asymptomatiques se sont révélés positifs, ce qui « atteste de la nécessité des mesures de contrôle que nous mettons en place » selon lui. Par ailleurs, la direction générale de la Santé (DGS) recommande désormais aux professionnels de santé qui réalisent des tests d’interroger leurs patients sur d’éventuels séjours récents à l’étranger et de les orienter vers un test PCR le cas échéant.
La pertinence et l’utilité de ces tests aux frontières continue en tout cas de diviser les scientifiques. « Au moment où la France réduit ses capacités de séquençage, à part donner l’impression qu’on fait quelque chose, ce n’est pas très utile » estime par exemple l’épidémiologiste Dominique Costagliola. De manière un peu plus diplomatique, le Pr Brigitte Autran, présidente du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), pense que « la situation n’a rien d’alarmant » et que le risque qu’un variant préoccupant soit importé de Chine en Europe est « très faible ». « Le variant XBB.1.5 en passe de devenir majoritaire aux Etats-Unis semble a priori plus préoccupant que ceux qui circulent en Chine » estime pour sa part Pascal Crépey, épidémiologiste à l’EHESP.
Passe d’armes entre Pékin et l’OMS
En Chine, la situation est toujours aussi confuse, le gouvernement faisant régner la plus grande opacité sur la progression de l’épidémie. Le dépistage et le séquençage sont désormais lacunaires et Pékin a décidé que seules les personnes directement décédées d’une insuffisance respiratoire provoquée par la Covid-19 seraient comptabilisées comme des victimes de l’épidémie. Officiellement, le pays n’a donc déploré que 31 morts depuis l’abandon de sa politique zéro-Covid le 7 décembre dernier et compterait environ 5 000 contaminations par jour !
Des chiffres qui « sous-représentent l’impact réel de l’épidémie » n’a pas hésité à déclarer ce mercredi le Dr Michael Ryan, responsable des situations de crise à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Thedros Ghebreyesus, directeur de l’agence onusienne, pourtant régulièrement accusé de complaisance envers Pékin, a même demandé à la Chine « des données plus rapides, régulières et fiables sur les hospitalisations et les décès, ainsi qu’un séquençage du virus plus complet et en temps réel ». En réponse, le gouvernement chinois a prié l’OMS de « maintenir une position impartiale basée sur la science » et a affirmé qu’elle « partageait des données fiables avec la communauté internationale, de façon ouverte et transparente ».
Jusqu’à 11 000 morts par jour
En réalité, il faut sans doute multiplier par 1 000 les chiffres chinois pour avoir une idée de l’ampleur de l’épidémie qui s’y déroule. Selon la presse britannique, on compterait en Chine environ 3 millions de contaminations et 11 000 décès par jour actuellement. Des vidéos diffusés sur les réseaux sociaux chinois montrent des hôpitaux complètement débordés et les crématoriums tourneraient à plein régime.
Selon des observateurs, la hausse du trafic automobile et de la fréquentation des transports en commun ces derniers jours laisserait penser que le pic a été atteint dans les grandes villes. Ce sont désormais les campagnes qui devraient être touchées, à la faveur des grands déplacements de population liés au nouvel an chinois. La grande vague actuelle, qui devrait couter la vie de près de 2 millions de personnes selon les épidémiologistes, pourrait prendre fin en mars.
Nicolas Barbet