
Londres, le vendredi 4 août 2023 – Dans un éditorial commun, les grandes revues médicales internationales appellent à un désarmement nucléaire mondial.
Le British Medical Journal (BMJ), le Lancet, le Journal of the American Medical Association (JAMA), le New England Journal of Medicine…toutes les plus prestigieuses revues médicales internationales (source d’inspiration du JIM depuis 44 ans) se sont unies pour signer ce jeudi un éditorial commun appelant à « réduire le risque d’une guerre nucléaire ». C’est au total plus d’une centaine de revues médicales et scientifiques qui ont signé cet éditorial, dont la date ne doit rien au hasard : c’est en effet ce dimanche que le monde commémora le bombardement atomique d’Hiroshima par les Etats-Unis le 6 août 1945, la première utilisation d’une arme atomique sur des civils.
C’est par ailleurs cette semaine que doit se tenir à Vienne une réunion du comité préparatoire à un nouvel examen du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de l’ONU, en vigueur depuis 1970. L’an dernier, le réexamen du texte avait échoué, Etats-Unis et Russie n’étant pas parvenus à se mettre d’accord.
Une menace pour la survie de l’humanité
Comme le rappellent les auteurs de cet éditorial, la menace d’une guerre nucléaire n’a jamais aussi été importante depuis la guerre froide. Ce risque a été bien sur fortement accrue depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui détient le plus grand arsenal nucléaire du monde et dont le président Vladimir Poutine a, à plusieurs reprises, menacé d’user du feu nucléaire. Mais les essais nucléaires réguliers de la part de la Corée du Nord et les progrès technologiques renforcent également cette menace. « Par exemple, les missiles hypersoniques diminuent le temps alloué pour différencier une réelle attaque d’une fausse alerte, augmentant le risque d’une escalade nucléaire rapide » illustrent les rédacteurs en chef de ces grandes revues médicales.
Les auteurs de l’éditorial tiennent à rappeler quels seraient les conséquences concrètes d’une guerre nucléaire. « Même une guerre nucléaire limité n’impliquant que 250 des 13 000 armes nucléaires existantes dans le monde pourrait tuer 120 millions de personnes et provoquer une catastrophe climatique plongeant dans la famine plus de deux milliards de personnes ; une guerre nucléaire totale entre les Etats-Unis et la Russie pourrait tuer directement plus de 200 millions de personnes et provoquer un hiver nucléaire qui tuerait 5 à 6 milliards de personnes, menaçant la survie de l’humanité » alertent les éditorialistes.
L’engagement historique des médecins contre le nucléaire militaire
Le BMJ, le Lancet, le JAMA et les autres grandes revues médicales estiment que les médecins ont un rôle primordial à jouer pour empêcher une escalade nucléaire et pousser pour un désarmement global. Ils rappellent ainsi le combat mené depuis 1980 par l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW), qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 1985 pour son travail d’information sur les conséquences sanitaires d’une guerre nucléaire totale.
L’IPPNW a également été à l’origine, avec d’autres associations pacifistes, de la « campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires », qui a également reçu le Prix Nobel de la Paix en 2017 et qui a permis l’élaboration du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en 2017 (dont aucun des pays possédant l’arme atomique n’est cependant signataire !).
C’est en raison du rôle historique des médecins dans la lutte contre le nucléaire militaire que les grandes revues médicales appellent les associations de professionnels de santé du monde entier à « joindre l’IPPNW pour participer à l’effort commun pour réduire le risque d’une guerre nucléaire ». Les médecins doivent ainsi tenter d’user de leur influence pour faire adopter aux puissances nucléaires les trois principes suivants : « ne jamais initier la guerre nucléaire, ne pas laisser leurs armes nucléaires prêtes à être tiré en permanence et s’engager en cas de conflit à ne pas utiliser l’arme nucléaire ».
« Les puissances nucléaires doivent éliminer leurs armes nucléaires avant qu’elles ne nous éliminent ; la communauté médicale doit accepter ce défi, en faire sa priorité et travailler avec une énergie renouvelée pour réduire le risque d’une guerre nucléaire et éliminer les armes nucléaires » concluent les signataires de cet éditorial commun.
Un objectif louable mais qui semble malheureusement inatteignable, toutes les bonnes volontés du monde n’ayant pas empêché le nombre d’armes nucléaires d’augmenter de manière redoutable depuis 1945.
Quentin Haroche