
Le drone volant transportant un défibrillateur automatisé externe (DAE) n’est pas une utopie. Il a été mis au point en 2014 par un jeune élève ingénieur de l’université de Delft (Pays-Bas). Le prototype permettait d’amener le matériel dans un territoire de 12 km2 en une minute, à la vitesse de 100 km/heure, ce qui en théorie doit augmenter considérablement les chances de survie (+ 80 % à + 90 %) pour les plus optimistes), chez les victimes d’un arrêt cardiorespiratoire (ACR) survenu hors du milieu hospitalier. En effet, les DAE de plus en plus implantés dans l’espace public ne sauraient couvrir l’ensemble d’un territoire national, de sorte que le témoin de l’ACR n’a le plus souvent que le massage cardiaque externe à sa disposition pour tenter de sauver son prochain.
Combien de drones pour gagner quelques (précieuses) minutes ?
Quand on sait la fréquence de cette situation, le drone défibrillateur est à l’évidence prometteur, d’autant que les performances de la réanimation peuvent être améliorées par l’utilisation conjointe d’une caméra pour faciliter la communication avec un médecin. Alors, la mise en place d’un réseau de drones défibrillateurs est-elle une bonne solution ? C’est là le point de départ d’une modélisation mathématique réalisée par une équipe canadienne et publiée dans Circulation. Le modèle a combiné des équations d’optimisation sous contrainte appliquées à une série d’opérations, l’objectif étant de raccourcir au maximum le délai entre l’ACR et l’arrivée du drone sauveur. Son application a concerné 53 702 ACR survenus dans les huit régions autour de Toronto formant le réseau RescuNET, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, avec deux objectifs : (1) déterminer la taille du réseau nécessaire pour amener l’engin sur les lieux dans un délai plus court que celui permis par l’arrivée des secours en temps normal (estimé à partir de 911 interventions), le gain de temps pouvant être en moyenne de 1, 2 ou 3 minutes, toutes zones confondues, rurales et urbaines ; (2) en second, quantifier la réduction des ressources en drones, si RescuNET était organisé en une seule et même région.
Pour couvrir les besoins de la région précédemment définie sous sa forme actuelle, il faudrait créer 81 bases, chacune équipée de 100 drones, si l’objectif est de gagner en moyenne 3 minutes par rapport au délai disons conventionnel. Si l’analyse se focalise sur les zones urbanisées et si l’on raisonne en 90e percentile de ce délai, l’arrivée du DAE pourrait être raccourcie de 6 minutes et 43 secondes. Dans les régions rurales, le gain serait de 10 minutes et 34 secondes. La réorganisation de RescuNET en coordonnant les régions et en simplifiant le réseau permettrait de diminuer le nombre de bases de près de 40 % et le celui des drones de 30 %, en gardant les mêmes objectifs que ceux précédemment définis.
Bénéfice surtout évident dans les zones rurales
Le modèle mathématique élaboré par cette équipe canadienne donne une idée des moyens à déployer pour optimiser un réseau de drones défibrillateurs visant à lutter contre le fléau que représentent les ACR survenant hors du milieu hospitalier. C’est dans les régions rurales que le bénéfice au moins mathématique serait le plus évident, en sachant que le rapport coût-efficacité de ces mesures devrait être évalué. Au passage, il faut rappeler que la faisabilité d’un tel projet est loin d’être établie, compte tenu du coût unitaire d’un drone spécifiquement conçu à cette fin et de toute la logistique afférente, des imprécisions sur la géolocalisation et de l’effet des conditions météo sur les déplacements du défibrillateur volant. La limitation aux zones rurales pourrait être une alternative à un projet national ou régional de grande envergure, sauf à disposer de moyens à hauteur des ambitions affichées. Dans la famille drones à tout faire, on n’en retiendra pas moins qu’elle compte désormais un membre de plus : le drone défibrillateur.
Dr Catherine Watkins