
Augmentation de la consommation de psychotropes
En référence à un article antérieur de Mette Bliddal (une
professeure de médecine au Danemark) & coll.[2], JAMA
Psychiatry publie les commentaires de lecteurs et la réponse des
auteurs. En résumé, le débat porte sur la question suivante :
la pandémie de COVID-19 est-elle associée à une réelle augmentation
des troubles psychiatriques chez les jeunes, ou seulement à des
changements dans le recours aux médicaments
psychotropes ?
Dans leur étude de cohorte basée sur les registres de tous les
Danois âgés de 5 à 24 ans et montrant une augmentation de
l’utilisation des médicaments psychotropes et de certains troubles
psychiatriques entre mars 2020 et juin 2022, Mette Bliddal &
coll. estiment que, suite à la pandémie, le nombre de jeunes
souffrant de psychopathologie et nécessitant un traitement
psychotrope a augmenté, ce qui mérite l’attention des décideurs
politiques et des parties prenantes. Ils ont en effet mis en
évidence une augmentations des risques relatifs pendant la
COVID-19 de 5 % pour les diagnostics psychiatriques et
18 % pour l’usage de médicaments psychotropes.
Quels facteurs causaux ?
Les lecteurs commentant cette étude s’inquiètent du risque de
mettre sur le compte de la pandémie une problématique structurelle
(l’augmentation de la morbidité psychiatrique des jeunes) peut-être
imputable à d’autres facteurs moins conjoncturels que la
seule COVID-19 : « Bien que les auteurs veillent à
ne pas inférer de causalité, les lecteurs et les décideurs
pourraient être tentés de passer d’association à
causalité. »
Cette distinction n’a pas seulement un intérêt
académique : si la détérioration de la santé mentale des
jeunes est liée à la pandémie, le public pourrait s’attendre à une
normalisation post-pandémique. Mais si les tendances signalées sont
motivées par des facteurs indépendants de la pandémie, cela
nécessitera d’autres mesures appropriées.
Dans leur réponse aux lecteurs, Mette Bliddal et coll.
rappellent la difficulté d’interpréter ces augmentations observées
des psychopathologies : « Même en les supposant liées à
des événements distincts (de la pandémie), nous n’attendions pas
d’effets immédiats. Le développement de la psychopathologie n’est
pas aigu, mais émerge plutôt après une phase de détérioration
pouvant conduire à une orientation en psychiatrie », même
avant une certitude diagnostique ou l’initiation d’un traitement
psychotrope.
Cette évolution peut d’ailleurs survenir avec un retard
considérable par rapport à un événement déclencheur comme la
pandémie. Mette Bliddal et coll. estiment que l’incidence
stressante d’événements comme les restrictions de mobilité sociale
ou les fermetures d’écoles est peu susceptible de se manifester
immédiatement, mais s’accumule plutôt au long cours. Au total, les
auteurs écartent l’argument selon lequel l’absence d’effets
immédiats contredit le fait que l’augmentation pourrait être liée à
la pandémie de COVID-19. Au contraire, l’inclusion d’un suivi
jusqu'à l’été 2022 leur a permis la détection de cas non
évidents dans les études avec un suivi plus court après la
pandémie.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Crit%C3%A8res_de_Hill
[2] Mette Bliddal & coll. Psychotropic medication use and psychiatric disorders during the COVID-19 pandemic among danish children, adolescents, and young adults. JAMA Psychiatry. 2023 vol 80(02): 176-180. doi:10.1001/jamapsychiatry.2022.4165
Dr Alain Cohen