Ebola : quels critères de gravité ?

L'épicentre de l'épidémie actuelle d'Ebola, près de la ville de Guéckédou en Guinée, se situe à quelques kilomètres de l'hôpital de Kenema en Sierra Leone. Or dans cet hôpital fonctionne depuis plusieurs années un centre de recherche dédié à une autre fièvre hémorragique endémique dans la région, la fièvre de Lassa. Aussi, dès le début de l'épidémie, les moyens techniques (en particulier microbiologiques) et humains de ce centre ont-ils pu être mobilisés pour authentifier le virus Ebola et pour préciser les caractéristiques, virologiques, cliniques et épidémiologiques de cette nouvelle flambée de la maladie. 

Aujourd'hui les équipes travaillant dans ce centre de Kenema associées à celles de plusieurs laboratoires américains présentent dans le New England Journal of Medicine les données qu'ils ont pu recueillir sur leurs 106 premiers malades confirmés virologiquement.

Si cette publication n'apporte pas d'éléments très nouveaux sur la transmission de l'affection, le temps d'incubation, les principaux signes cliniques ou la durée de la maladie dans les cas mortels, elle permet en revanche de préciser des critères de gravité évaluables lors de l'admission des patients. 

La charge virale corrélée à la mortalité

La comparaison de différents paramètres cliniques et biologiques à l'entrée au centre entre les patients ayant guéri et ceux qui sont morts (74 % des cas pour lesquels l'évolution finale était connue) a permis à J.S Schieffelin et coll. de définir les marqueurs de mauvais pronostic suivants :

- Un âge supérieur à 45 ans (la mortalité ayant été de 94 % au delà de cet âge contre 57 % en dessous de 21 ans ; p = 0,03).
- Trois symptômes ont été associés à une mortalité très élevée : sensation vertigineuse ou de faiblesse (plaintes toutefois difficilement quantifiables) et diarrhées. Ainsi la létalité a été de 94 % lorsqu'une diarrhée était présente à l'admission contre 65 % en son absence (p = 0,04).
- Si l'existence d'une fièvre n'était pas discriminante, son intensité était corrélée à la mortalité ultérieure, une température à l'entrée supérieure à 38°C étant de mauvais pronostic. 
- Au plan biologique, une acidose à l'admission ou en cours d'hospitalisation ou une élévation des transaminases paraissaient également associées à une évolution péjorative. 
- La charge virale à l'entrée enfin est apparue comme un élément hautement discriminant (létalité de 94 % au dessus de 10 millions de copies par mL contre 33 % en dessous de 100 000).

A noter que dans cette courte série (pour laquelle toutes les données cliniques ou para-cliniques n'ont pu être recueillies) les autres paramètres vitaux à l'admission (pression artérielle, fréquence cardiaque ou respiratoire) n'étaient pas statistiquement corrélés au pronostic.  De même la létalité était comparable chez les hommes et les femmes.

Bien qu'encore parcellaires, ces données devraient permettre d'élaborer un score de gravité. Celui-ci pourrait être utile dans l'immédiat pour établir un pronostic à l'arrivée dans un centre et pour adapter certaines mesures thérapeutiques. Ultérieurement un tel score permettrait de mieux juger des résultats de différents traitements expérimentaux prescrits dans le cadre essais thérapeutiques.

Au delà de ces enseignements cliniques, le travail de J.S Schieffelin et coll. est indirectement l'occasion de rappeler à tous le lourd tribut qu'ont payé les soignants en première ligne dans la lutte contre l'épidémie : sur les 46 signataires de cet article 7 étaient décédés à la date  de la publication !

Dr Céline Dupin

Référence
Schieffelin J S et coll.: Clinical illness and outcomes in patients with Ebola in Sierra Leone. N Engl J Med 2014; publication avancée en ligne le 29 octobre 2014. DOI:10.1056/NEJMoa1411680.

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