Hospitaliers, libéraux : tous unis contre Charles Bovary

Paris, le mercredi 25 novembre 2020 – Sous l’impulsion du ministre de la santé, Olivier Véran, la députée LREM Stéphanie Rist a présenté le 22 octobre dernier une proposition de loi « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ».

Cependant, ce texte, qui doit théoriquement être discuté aujourd’hui en commission et éventuellement être voté en séance dans les prochains jours, serait mort-né selon les bruits de couloir du Palais Bourbon.

La disposition proposant « la création d’une profession médicale intermédiaire » est en effet parvenue à faire l’unanimité contre elle !

Le texte, aux contours plutôt imprécis, est censé être une application concrète d’une des propositions du Ségur de la santé. Sa justification préalable est ainsi présentée dans l’exposé des motifs : « L’exercice légal de la médecine en France conduit à un cloisonnement important des professionnels de santé avec d’une part le médecin diplômé d’un bac +10 et d’autre part l’infirmière titulaire d’un bac +3 ».  

En pratique il était prévu que les différents ordres professionnels s’unissent pour préparer la création d’une profession médicale intermédiaire, entre l’infirmier de pratique avancée et le médecin traitant et qu’une fois établis les contours de ce nouveau corps de métier, il soit validé par décret.

Mais immédiatement, les intersyndicales de praticiens hospitaliers se sont fendues d’un communiqué commun rageur : « Défendre en 2020 la renaissance du corps des « Officiers de Santé » de I803 (exercer la médecine sans avoir le titre de Docteur en Médecine) il fallait y penser : Olivier Véran l’a fait en réclamant en urgence et en catimini, un blanc-seing pour la restauration d’un corps d’exception ». Fortes de cette critique sans nuance, les organisations ont réclamé « le retrait immédiat de ce projet de loi incongru, dans son intégralité ».

La même ire a été retrouvée chez les syndicats de médecins libéraux, qui a l’unisson, commentaient : « La crise démographique actuelle ne justifie pas la déconstruction du parcours de soins. Cette crise ne durera pas toujours : les projections du Conseil National de l’Ordre des Médecins prévoient une remontée rapide du nombre des médecins à partir de 2025. Elle ne justifie donc pas de réduire comme peau de chagrin les missions du médecin traitant, médecin généraliste le plus souvent, mais réclame plutôt de lui donner les moyens matériels et humains lui permettant d’assurer sa mission auprès de la population ».
 
Aussi, désormais, le gouvernement s’orienterait plutôt vers un développement des pratiques avancées pour les infirmiers.

A suivre…

F.H.

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Vos réactions (9)

  • Officiers de Santé

    Le 25 novembre 2020

    Mais comment faire moins bien que les médecins actuels, tant hospitaliers que libéraux ?

    Dr B Maroy

  • La santé n'appartient pas qu'aux seuls médecins

    Le 26 novembre 2020

    Il n'est pas surprenant de voir une telle réaction du corps médical qui monopolise la dominance sur la santé depuis des décennies, contrairement à des évolutions inéluctables de la prise en charge de la maladie et de la santé du public. Le système pyramidal actuel est archaïque et contre productif, avec au sommet le "Médecin" omnisachant et omnipotent qui généreusement délèguerait à d'autres certaines "tâches". Les pays évolués ont fait le choix d'une organisation par professions parallèles qui coopèrent et collaborent selon les circonstances pour le mieux du parcours de soins. N'oublions pas que les chirurgiens ont mis des siècles pour retrouver le giron des médecins, pour ensuite en représenter l'élite. Le principe évoqué de profession intermédiaire ne doit pas, on est d'accord créer un nouveau corps de métier, mais permettre à des professions existantes d'évoluer vers plus d'autonomie en positionnement intermédiaire. L'infirmier ne doit plus être un "auxiliaire" médical, mais prendre sa place à part entière dans le système. La pratique avancée est en effet une piste, mais à condition qu'elle soit plus avancée justement que ce qui est actuellement proposé. Des spécialités existantes n'ont plus qu' à voir leur pratique réelle quotidienne enfin entérinée et reconnue dans les textes pour occuper ces positions. L'exercice médical est déjà tellement fractionné dans ses différentes spécialités, que la réaction soit-disant "unanime " évoqué dans l'article en est curieuse, si ce n'est pour une défense purement statutaire mais surement pas dans une visée de mieux soigner. Le temps du sachant à la fois médecin, philosophe et mathématicien est révolu depuis des siècles, il existe des intelligences et des praticiens dans d'autres corps de métier de la santé.

    Pascal Rod, IADE

  • Sous-officiers de santé

    Le 26 novembre 2020

    Les médecins sont déjà des sous-officiers de santé aux ordres des gouvernants, technocrates, ARS et autres CAM ou mutuelles.

    Dr Xavier Barreau

  • L'exemple de la Sage Femme

    Le 26 novembre 2020

    Je suis partagé entre deux opinions :
    D'une part l'exemple des sages femmes, profession médicale, pouvant diagnostiquer, prescrire, opérer, echographier, et qui sont, il faut bien le dire, totalement irremplaçables dans le schéma actuel.
    Et d'autre part l'infirmier, fut il spécialisé comme un iade ou ibode, qui n'a pas la faculté de prescrire ou opérer, et pour lequel je vois mal comment faire évoluer le statut actuellement.

    Il me semble donc effectivement évident que si on poursuit dans cette voie, il faut créer de toutes pièces une nouvelle profession.

    Mais surtout faire très attention à la rémunération de cette nouvelle profession, qui risque d'être "au rabais". Je prends en exemple une fois de plus la sage femme hospitalière qui peut faire tout, du suivi jusqu'à l'accouchement du siège et la suture du périnée, en passant par échographie, et sous sa propre responsabilité, mais qui est rémunérée moins qu'un IADE qui lui ne peut rien faire sans son médecin à proximité immédiate.

    Le but de cette réforme est avant tout de faire des soins pour moins cher, pas de mieux soigner les gens, il ne faut pas se leurrer... Et à ce propos, lorsque M Rod nous dit que dans les pays civilisés il y a des professions parallèles qui collaborent, j'aimerai qu'il éclaircisse son propos avec des exemples circonstanciés, parce que je n'en vois pas...

    Dr E Orvain

  • Collaboration entre professionnels de santé ailleurs (au Dr Orvain)

    Le 26 novembre 2020


    Je fais référence aux Nurse Practitioner qui au Canada, USA, Australie, GB, Singapour, etc... font des consultations de première intention, prescrivent des examens, rédigent des ordonnances de traitement, et adressent à des spécialistes si besoin, sans concurrencer les Médecins généralistes qui s'en trouvent moins débordés. Il y a les Infirmiers anesthésistes aux USA qui pratiquent l'anesthésie sans supervision directe, et prescrivent les examens nécessaires à l'évaluation pré anesthésique en toute efficacité et sécurité. Les Infirmières Intensivistes aux USA, qui posent des voies centrales, font des trachéos. Des infirmières d'endoscopie au Royaume Uni qui font des endoscopies. Des infirmières de diabètologie qui prescrivent des ajustements de traitements au Canada, USA, UK. etc etc....Tout est une question de formation adéquate et de réglementation.
    Pour en revenir aux IADE, même ici en France quand ils prennent en charge une anesthésie, ils n'attendent pas les prescriptions inexistantes pour injecter et réinjecter. C'est donc possible....mais illégal...

    Pascal Rod (IADE)

  • Officier de santé

    Le 29 novembre 2020

    Au XIX e siècle, officier de santé pour la campagne et les pauvres, docteur pour les bourgeois. Au XXI e siècle « profession intermédiaire » (euphémisme politiquement correct) pour les gilets jaunes.

    Dr Alain Fourmaintraux

  • Vivement 2025 alors !

    Le 30 novembre 2020

    En ville cette pénurie de médecins est chronophage pour les infirmières libérales, quand je ne suis pas en soin je passe mon temps à relancer les médecins pour qu’ils prescrivent traitements, soins et examens... et en réponse très souvent j’ai droit à un : écrivez moi ce que je dois prescrire et je vous envoie ça ! C’est mon quotidien, et c’est usant : INR et autres bilans de patients chroniques , Doppler pour adapter les dispositifs de pansements, bandes compressives, renouvellement des soins infirmiers... on rame et on court après les prescriptions en permanence. Alors vivement 2025 que les généralistes soient moins débordés, qu’ils re-consultent à domicile etc etc etc... et ne venez pas me dire le contraire...

    Christine Boudgourd (IDE)

  • L'exemple du RU (Réponse à Pascal Rod)

    Le 30 novembre 2020

    Même si je suis d'accord avec le fond de votre message, le système de soins aux Royaume-Uni m'interpelle ; d'abord quand on voit l'état de santé de la population, qui n'est guère reluisant (stigmates du thatcherisme passé ?). Ensuite quand je vois l'exemple d'un ami parti là-bas pour enseigner le français langue étrangère.
    Il tombe malade, une angine apparemment d'après les symptômes. Cela ne justifie pas une consultation médicale dans ce pays et il n'arrive pas à obtenir de RDV, on l'envoie au dispensaire où c'est une infirmière qui va s'occuper de son angine avec un simple algorithme de prescription. Une infirmière qui ne fait pas d'examen clinique... elle n'a pas la formation. Il trouve ça vraiment bizarre. Donc mon pote traîne son angine pendant des lustres, avec un antibio tellement old school qu'on ne l'utilise plus en France. Il ne comprend pas, il est fatigué, et puis il a d'autres symptômes qui se déclarent mais il laisse pisser.
    Il rentre en France et parle de cet épisode à son généraliste, qui lui dit : vous avez dû faire une scarlatine qui est passée inaperçue, comme c'est souvent le cas chez l'adulte, mais comme l'infirmière ne l'a pas examiné, ne l'a pas fait déshabiller, elle n'a pas vu l'éruption.

    Voilà un truc simple qu'un médecin se doit toujours de faire : faire déshabiller le patient pour l'examiner. Souvent, quand ça n'est pas fait, y'a des soucis... et bien une IDE ne fera pas ça et n'est donc pas habilitée selon moi à diagnostiquer et traiter une simple angine. Nous en tant que pharmaciens avec bac+6 pour les officinaux et +10 pour les hospitaliers, on ne le fait pas non plus.

    Dr Émilie Teyssieres, Pharmacienne

  • Contre exemple Royaume Uni (Au Dr. Tessières)

    Le 01 décembre 2020

    Comme vous l'avez décrit, votre ami n'a pas eu affaire avec une Nurse Practitioner, mais une simple IDE de dispensaire, qui ne peut agir que sur protocole. La Nurse Practitioner "doit" et c'est un devoir, examiner le patient pendant au moins 20', ausculter, prendre la tension, faire un examen clinique complet avant de décider sur sa propre anamnèse de la thérapie éventuelle, ou d'examens complémentaires. Une enquête au Royaume Uni a d'ailleurs mis en avant la satisfaction des patients. Peu de Généralistes s'astreignent à cet examen complet et 5'à 10' est plus près du temps moyen de consultation.

    Pascal Rod

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