
80 patients sans témoins
Comment clore le débat ?
Dr Céline Dupin
Dr Céline Dupin
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Il y a une grande part irrationnelle, de part et d'autre.
Un autre article évoquait le dessin de Caran d'Ache sur l'affaire Dreyfus.
Voilà où on en est maintenant, comme jadis. L'affaire Dreyfus évoque elle même toute une série de mouvements passionnels, tel la défense d'une vérité officielle fausse et discutable et d'un grand corps de l'État (l'armée), la persévérance dans l'erreur de ce fait, l'adjonction de préjugés violents (l'antisémitisme), l'induction d'un clivage sociétal, tout ceci bien loin du problème de la culpabilité ou de l'innocence du capitaine Dreyfus, devenue secondaire.
L'affaire Dreyfus montrait aussi aussi les problèmes sociétaux, sociaux et institutionnels au tournant des 19 ème et 20 ème siecles.
La nouvelle affaire Dreyfus conduit à des décisions irrationnelles, tel celle d'interdire la prescription libre d'un médicament pour lequel n'existe aucune pénurie prévisible, et dont les effets secondaires sont rares et souvent bénins, et qu'on prescrit du reste couramment.
En fait il faudra discerner ce qu'elle signifie, ce qu'elle raconte de notre histoire actuelle, et quelles ruptures elle annonce.
On est là encore bien loin de la question : le traitement du Pr Raoult est-il efficace ou non.
Dr Gilles Bouquerel
Qui trop embrasse mal étreint. Il est des circonstances où l'on doit s'affranchir de dogmes trop rigides et tâcher de raisonner sur des nouvelles bases.
Mener un essai en double insu est quasi-impossible, car dans les circonstances actuelles la plupart des sujets sévèrement malades refusent un tirage au sort pouvant leur attribuer un leurre. On n'est pas en train de constituer un dossier réglementaire pour une AMM ! D'autres voies doivent être trouvées pour répondre aux questions qui nous préoccupent. Encore faudrait-il que ces questions soient bien posées et que chacune d'elles fasse l'objet d'un protocole expérimental spécifique.
Il me semble vain d'espérer "sauver des vies" avec de l'hydroxychloroquine, mais il n'est pas impossible que cette molécule puisse réduire la contagiosité, ce qui serait un énorme gain en termes de santé publique. Autrement dit, dans cette indication particulière, le bénéfice individuel serait extrêmement marginal mais l'intérêt sanitaire peut-être considérable. Encore faudrait-il étudier cette simple hypothèse avec un protocole rigoureux, ce qui ne serait pas malaisé.
Dr Pierre Rimbaud
A charge aux détracteurs de ce protocole d'étudier l'évolution de la charge virale sans traitement ou avec d'autres traitements sur leurs patients. Si effectivement ce traitement réduit la contagiosité, c'est comme vous le dites "d'un intérêt sanitaire considérable" et permettrait de repositionner le cadre du confinement. Le Pr Raoult ne disait rien d'autre, il me semble bien, dans sa 1ere étude et proposait de tester largement: encore aurait-il fallu que notre système sanitaire soit capable de le faire!
Dr Anna Okroglic
" on peut se demander pour quelles raisons un essai randomisé monocentrique en double aveugle "
La réponse à cette question a été fournie par le Pr Perrone, infectiologue : cela ne serait pas éthique, dans la situation compte tenu de ce que nous savons, de faire un double aveugle; raison pour laquelle il n'a pas voulu participer à Discovery.
La vraie médecine, ne se fait pas dans les salons, en temps de guerre; terme rabâché par un président et son poisson pilote pour sa "com" volontairement anxiogène.
Je regardais ce matin ce qui était dit dans un ouvrage de pharmacologie (Précis de pharmacologie au Presse Universitaire de Montréal 2015) sur la chloroquine de l'hydroxyCL. On y mentionne un effet anticytokinique; hors on nous dit que des patients meurent sous une vague de cytokines...
Jusqu'à quand le sommet de l'Etat va se fourvoyer avec des conseillers médicaux et médiatiques conciliants avec le prince ?
Dr Christian Trape
Je ne sais pas comment le produit aide l’organisme à se défendre contre le virus, mais lancer un test thérapeutique avec un vieux médicament éprouvé ne me semble pas criminel.
S’il y fait « un peu », c’est au début de l’infection qu’il sera le plus utile, pas dans la phase terminale.
La gestion gouvernementale de la pénurie veut que l’on ne traite que les cas graves voire désespérés, qu’est ce que l’on va réussir à démontrer comme ça ?
Et que pensent les malades à qui on dit « non, non, c’est pas prouvé il vaut mieux ne rien faire ».
Dr Jean-Marie Malby
Depuis quand les études randomisées proposent des leurres ?
Elles proposent le traitement antérieur plus ou moins une nouveauté à évaluer.
Et à évaluer dans les deux sens : aggravations ou améliorations.
Pour le chikungunya la chloroquine provoquait une aggravation des arthralgies à J200.
Et puis l'étude chinoise qui elle est randomisée n'a rien trouvé du tout.
Et puis cerise sur le gâteau les deux études n'ont eu des décès et des réanimations que dans les bras traités.
Donner de la chloroquine à ces doses à des patients qui ont des comorbidités cardiaques c'est autre chose qu'une prophylaxie.
Le débat ne sera pas clos tant que des tenants le conduiront sur les médias sociaux.
La publi de Mr R na jamais été relue par des reviewers sinon il n'y resterait pas deux fautes d'orthographe.
Dr Didier Marc Poisson
En effet M Raoult s'est largement inspiré de la publication des chinois (février 20) dont voici le lien https://www.biosciencetrends.com/downloadpdf/1883....
Car, parmi les milliers de molécules organiques disponibles, comment faire une quelconque relation de cause à effet alors que nous ne connaissions pas ce virus il y a quelques semaines ?....
Et on ne voit pas vraiment l'analogie qui pourrait exister entre un plasmodium et un covid.
Sinon, une découverte fortuite (mais astucieuse!) des chinois !
Si la chloroquine (voire d'autres molécules dérivées de la quinoléine ?) s'avérait utile, au moins pour certains malades, alors il faudra remettre les pendules à l'heure et reconnaître que ce sont des scientifiques chinois qui ont eu l'idée (en ayant observé que leurs compatriotes qui revenaient d'Afrique, donc traités par antipaludéens, semblaient résister au covis19...) de diffuser leur observation sans pour autant que leur publication n'ait été validée faute de preuve.
On ajoutera que les risques et précautions à prendre pour se prémunir contre ce genre d'épidémie avaient été parfaitement identifiés il y a déjà 13 ans (cf. cette autre publication)
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2176051/
Alain Cros (pharmacien)
Il est incompréhensible que le Pr Raoult se soit contenté d'une simple étude observationnelle de 80 personnes, sans groupe témoin, arguant que la méthodologie ne le concernait pas et que l'existence d'un groupe témoin non traité n'était pas éthique. Si un des objectifs était de montrer que la bithérapie utilisée éradique plus rapidement le virus, il était facile de recruter des patients asymptomatiques dépistés dans son service ou ayant des manifestations cliniques légères à modérées. Le risque de décès dans ce groupe est minime et en cas d'aggravation éventuelle, il aurait été possible de les sortir du groupe témoin et de les traiter; c'est une pratique courante dans certains essais contrôlés randomisés quand on constate une aggravation, voir une surmortalité dans un des bras. Donc il n'existait aucun réel obstacle à pratiquer un tel essai. Cette volonté de ne pas faire de groupe témoin relève d'une parfaite mauvaise foi, et n'a rien à voir avec un problème éthique. Quant à ceux qui recrutent pour l'essai Discovery, il faut savoir qu'initialement ils n'avaient pas prévu de bras hydroxychloroquine, préférant l'antiviral de Gilead le remdésivir ; quand on sait que certains des investigateurs ont des conflits d’intérêt avec Gilead et que ce laboratoire a vendu le Sofosbuvir à des prix astronomiques, on peut être inquiet de la valeur scientifique de ces décisions.
On sait que l'inclusion de l'hydroxychloroquine a été proposée le lendemain des résultats de l'essai LOTUS, négatif avec le Kalétra et de la médiatisation de l’éventuel intérêt de l'hydroxychloroquine. Utiliser ce produit à un stade avancé de la maladie, comme c'est le cas dans cet essai, risque de ne pas démontrer son intérêt en début d'infection, ce qui constitue pourtant la piste la plus intéressante.
On peut conclure devant ce spectacle navrant que tous ces leaders d'opinion pensent plus à leur ego, leur facteur d'impact et leurs conflits d’intérêt qu'à la volonté de terrasser cette épidémie. Lamentable.
Dr Alain Siary