Napoléon visitant la salle Napoléon (!) à l’hôtel des Invalides
Paris, le mardi 4 janvier 2021 - Le 4 ventôse an X, le Premier
Consul, dans sa fièvre réformatrice créait l’internat des hôpitaux,
en vue d’établir l’élite médicale de la nation. Ces fourches
caudines persisteront à l’identique jusqu’en 1982. S’ouvrit alors
une période de transition, durant laquelle le concours de
l’internat n’était ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre,
mais de réforme en réforme, l’internat ancienne mode disparut
totalement en 2004 pour laisser place à l’Examen national classant
(ECN). Décrié depuis sa fondation, et encore plus depuis qu’il
était devenu l’ECNi (i pour informatisé…informatisation source de
nombreux bugs), l’ECN est définitivement enterré.
Un arrêté du 21 décembre, pris après un décret du 7 septembre en
application d’une loi du 24 juillet 2019 porte ainsi sur les fonts
baptismaux le nouveau « concours de l’internat » (qui n’est ni un
concours, ni un internat diront les plus mauvaises langues
!).
Pourquoi faire simple ?
Ce nouvel « examen d’accès au troisième cycle des études
médicales » s’appliquera aux étudiants entrés en première année
de deuxième cycle en 2021, soit à partir de 2024.
La procédure d'admission repose sur des épreuves d'évaluation des
connaissances, sous forme « d'épreuves dématérialisées »
(ED), et d'épreuves d'évaluation des compétences, sous forme «
d'examens cliniques objectifs structurés » (ECOS, présentés
devant un jury) et de la prise en considération du parcours de
formation et du projet professionnel de chaque étudiant. Cette
nouvelle procédure prévoit ainsi que l'admission en troisième cycle
des études de médecine soit subordonnée à l'obtention d'une note
minimale de 14/20 aux ED pour les connaissances de Rang A* afin de
pouvoir participer aux ECOS. Cette note d’ED constituera 60 % de la
note de ces deux examens (ED + ECOS). Les étudiants pourront
également bénéficier « des points de valorisation » qui
seront attribués au parcours de formation et au projet
professionnel. Enfin, les affectations se réaliseront à l'issue
d’une procédure nationale fondée sur un appariement (dit «
matching ») entre les vœux de l'étudiant et les postes
ouverts dans une spécialité et dans une subdivision territoriale au
regard des notes obtenues aux ED et aux ECOS ainsi que des points
de valorisation attribués au parcours de formation et au projet
professionnel et, le cas échéant, « de la situation de handicap
de l'étudiant ».
Au risque de la cooptation
Plusieurs points d’achoppement n’échapperont pas à la sagacité
du lecteur : la complexité du système et également la fin partielle
de l’anonymat de l’examen qui laissera une (petite) place à la
cooptation.
La procédure sera d’autant plus ardue pour ceux qui échoueront
à obtenir une note de 14/20 aux ED. Ils seront tenus d'adresser au
directeur général du CNG, dans le mois qui suit la délibération du
jury, « la demande de participer aux épreuves dématérialisées
organisées au titre de l'année universitaire suivante. Cette
demande doit être effectuée par envoi recommandé donnant date
certaine à sa réception. Les étudiants concernés se réinscrivent à
l'université en troisième année de deuxième cycle des études de
médecine. Les stages effectués au cours de cette année
supplémentaire ne donnent pas lieu à validation » explique le
texte récemment publié. Rien n’est dit en revanche sur le nombre
tentatives possibles.
Reste à savoir combien de temps pourra tenir un tel système qui
n’en doutons pas fera regretter à certains les ECN (si ce n’est le
concours de l’internat…).
*Les ED seront divisées en connaissances de Rang A (« qui
constituent un socle de base à toute pratique médicale et qui
doivent être maîtrisées par l'étudiant pour accéder au troisième
cycle des études de médecine ») et connaissances de rang B («
Les connaissances dites de rang B, qui correspondent aux
connaissances plus approfondies et plus spécifiques à chaque
discipline »).
Tout commentaire désobligeant pourra paraitre nostalgique ("mieux avant"), ringard et élitiste. Je me permet de commenter quand même : Avant les ECN(i), passer l'internat était un choix personnel. L'avoir était le résultat d'une préparation puis d'un concours sélectif aux modalités simples : Ce n'est plus le cas depuis. Un fil d'Ariane : le nivellement par la base et la complexification caricaturale. Le risque de cooptation devient presque un détail : elle a bien d'autres moyens de s'exercer de facto pendant puis après internat. Un séjour professionnel à Boston, Londres ou Toronto avant tout clinicat national laisse perplexe. La procédure évoquée rappelle, si besoin était, la disparité des parcours / formations entre médecins UE et à fortiori hors UE mais ce sujet est tabou. Opposer l'existence de "petits" et de "grands" CHU est un autre tabou.