Les internes appelés à la grève

Paris, le vendredi 25 octobre 2019 – Le désarroi de l’hôpital public est loin de ne concerner que les seuls services d’urgences, comme l’a confirmé récemment la création du collectif Inter-Hôpital dans le sillage d’une première structure baptisée Inter-Urgences. Tous les personnels partagent le même sentiment d’impuissance face à ce qu'ils estiment être une dégradation des conditions de travail et de celles d’accueil des patients. Même ceux qui viennent d’entrer à l’hôpital : les internes.

Mobilisation générale et mobilisation propre

Les signes d’un épuisement des internes se sont multipliés ces dernières semaines. Parallèlement à leur participation aux mouvements conduits dans les services d’urgences, dans certains établissements, leur fronde a été plus marquée encore. Ainsi, à Mulhouse, le conflit entre les internes et la direction a conduit les 17 internes à se mettre en arrêt de travail pour dénoncer les tensions organisationnelles. Si cette crise a pu être résorbée, le malaise perdure sur une grande partie du territoire. Ainsi, alors que tous les syndicats de praticiens hospitaliers (Action praticiens hôpital, Jeunes médecins, Samu-Urgences de France…) ont appelé à la grève illimitée et à une grande manifestation le 14 novembre pour dire leur souhait que soit "sauvé" l’hôpital public, le Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP) appelle les internes à cesser le travail le 14 novembre pour pouvoir participer pleinement à ce mouvement. Il s’agit de « permettre aux internes de s’absenter des services pour aller » défiler explique le président du SIPH, Victor Desplats, interrogé par Egora. Il souligne encore que si les internes auraient pu participer à la grève en répondant à l’appel des autres syndicats, cette mobilisation du SIPH est destinée à offrir une plus grande visibilité aux difficultés des internes. Si ces derniers partagent en effet de nombreuses revendications des autres personnels (notamment salariales, compte tenu de la faiblesse de leur rémunération eu égard à leur nombre d’heures travaillées), certaines de leurs préoccupations sont spécifiques. Ainsi, Victor Desplats remarque que les internes rencontrent aujourd’hui des problèmes pour financer certaines formations et congrès (compte tenu de la réglementation empêchant la participation des laboratoires pharmaceutiques).

Les internes ne sont pas des pions

Le patron du SIPH assure que cet appel à la mobilisation est étranger au récent couac qui a conduit l’Agence régionale de Santé (ARS) d’Ile de France à annuler la procédure de choix des stages des internes franciliens en médecine générale. Pourtant, cet imbroglio ubuesque suscite dans les rangs des internes de nombreuses crispations qui se sont notamment exprimées sur les réseaux sociaux. Si en dépit de son indignation le Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG) a choisi d’accompagner la nouvelle procédure de choix (qui doit se dérouler les 28 et 29 octobre), les critiques de la part des autres organisations ne sont pas masquées. Ainsi, l’Intersyndicat national autonome des résidents et des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) rappelle que les internes ne sont pas des « pions » et signale que la situation en Ile de France n’est qu’un exemple parmi d’autres de dysfonctionnements qui se « sont multipliés ces dernières semaines » et énumère « listes de postes publiées la veille des choix de stage ; ouverture de stages dangereux pour les internes ; non-respect des règles des procédures de choix… ». Face à cette situation, l’ISNAR-IMG souhaite pouvoir rencontrer le ministre, tandis que de son côté, le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) ne cache pas qu’il songe à la grève. Il a ainsi conduit une consultation auprès de ses adhérents et de ses sympathisants afin de déterminer si au lendemain du fiasco de la procédure de choix d’Ile de France, ils seraient prêts à la mobilisation. Réponse sans appel : 93,8 % (sur 305 votants) se sont déclarés favorables à la grève. Ainsi, en ce début d’après-midi, le syndicat a indiqué que « sous couvert d’un préavis qu’il a déposé auprès de l’Agence Régionale de Santé et du ministère de la Santé, le SNJMG appelle officiellement les internes de Médecine Générale à la grève totale et illimitée à compter du 28 octobre 2019 ».

Des enseignants indignés par le ministre de la Santé

S’ils mettaient leur projet à exécution, il n’est pas impossible qu’ils soient soutenus par les enseignants de médecine générale, indignés par la perception de la situation par le ministre de la Santé. Interrogée sur l’annulation de la procédure de choix liée officiellement au fait qu’un interne ayant déjà réalisé six stages ait été convié à y participer mais qui répondait également au fait que la répartition des postes avait gravement lésé certains services de pédiatrie mettant en péril leur fonctionnement, Agnès Buzyn a taclé sur Public Sénat : « Ce sont les enseignants qui répartissent les postes d’internes et notamment les enseignants de médecine générale à Paris, qui se sont trompés dans les chiffres ». La critique n’a pas été reçue avec bienveillance par les intéressés. Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNJEMG) se sont indignés des raccourcis du ministre, semblant ignorer qu’ils sont loin d’être les uniques responsables et acteurs de la répartition des postes. Agnès Buzyn « ignore visiblement que les enseignants de médecine générale ne sont qu’une des composantes de la commission de répartition des postes (…) et que la répartition finale est le fruit de l’arbitrage effectué par l’ARS » corrige ainsi le Dr Anas Taha, président du SNEMG.

Ainsi, tant du côté des internes que des enseignants, la tension semble connaître depuis quelques jours un point d’acmé.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • La crise est ignorée par le ministère...

    Le 25 octobre 2019

    Que faudra-t-il pour que la ministre se rende compte de la gravité de la situation des Hôpitaux, torchés par les crédits insuffisants, les plans dévastateurs de "retour à l'équilibre" depuis 20 ans, les fermetures de lit et les réductions de personnel qui touchent tous les services. Son plan-hôpital est un bavardage sans réforme concrète et aucun problème n'est en voie de règlement. Navrant.

    Dr Astrid Wilk

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