
Paris, le mercredi 31 janvier 2024 – Taxe lapin, passerelle pour les infirmières, obligation de garde, réforme de l’AME : les questions de santé auront été au cœur du discours de politique générale de Gabriel Attal.
« Je veux rendre hommage à tous les soignants de France. Chacun à leur poste, chacun dans leur spécialité, ils sont les visages de l’engagement et de l’accompagnement ». Avant d’aborder la partie sanitaire de son discours de politique générale ce mardi à l’Assemblée Nationale, le nouveau Premier Ministre Gabriel Attal a tenu à rendre hommage au personnel soignant, alors que notre système de santé semble traverser une crise systémique sans fin. Et ce avant d’amorcer une longue litanie de mesures sanitaires pour « continuer à réarmer notre système de santé », selon une métaphore guerrière désormais chère au couple exécutif.
Une semaine après que le gouvernement a décidé d’accorder une autorisation d’exercice temporaire aux médecins à diplôme non-européens (PADHUE) recalés des épreuves de vérification des connaissances (EVC) et alors que la loi immigration qui vient d’être promulguée invente un nouveau titre de séjour spécifique pour les médecins étrangers, le chef du gouvernement a confirmé la volonté de l’exécutif de faire appel à ces soignants immigrés.
Un « émissaire chargé d’aller chercher à l’étranger des médecins qui voudraient venir exercer en France » va ainsi être nommé. Gabriel Attal compte également « trouver les moyens de faire revenir nos jeunes français, partis étudier la médecine à l’étranger » (sans rappeler que nombre d’entre eux se sont exilés en raison du numérus clausus).
Une passerelle pour les infirmières chevronnées
Toujours pour augmenter les effectifs de médecins, en baisse depuis plusieurs années, le protégé d’Emmanuel Macron souhaite s’appuyer sur les paramédicaux et renforcer les passerelles leur permettant de se réorienter vers la médecine. « Une infirmière anesthésiste, qui a bac +5, plusieurs années de carrière et d’expérience, doit pouvoir, si elle le souhaite, entrer directement au moins en 3ème année de médecine » a-t-il expliqué. Une proposition qui laisse perplexe certains observateurs : « Très peu d’IADE vont tenter l’aventure » explique l’infirmier Vincent Lautard, qui rappelle que les IADE ont déjà en moyenne entre 32 et 35 ans en début de carrière et n’ont donc pas forcément la possibilité de repartir sur de longues études de médecine.
L’ancien ministre de l’Education a également abordé la question de la désertification médicale et de l’accès aux soins. Il a ainsi réitéré la promesse, faite maintes fois par le Président de la République, de généraliser le système d’accès aux soins (SAS), lancé à l’été 2022, à l’ensemble des départements d’ici cet été. Le Premier Ministre en a profité pour faire une annonce choc, qui risque de déplaire aux syndicats de médecins libéraux, en pleine négociations conventionnelles : dans les départements qui ne seront pas dotés d’un SAS efficace, le chef du gouvernement se dit prêt à « aller plus loin en restaurant l’obligation des gardes pour les médecins libéraux en soirée et en week-end ». « Ce n’est pas faisable, car comment mettre un repos compensateur à un médecin que l’on oblige à faire une garde ? Si je bosse un week-end entier, je ne peux réattaquer le lundi, cela ferait 30 à 40 patients que je ne pourrais pas voir » a immédiatement réagi le Dr Jérôme Marty, président de l’UFML.
Le retour de la taxe lapin
Toujours sur la question de l’accès aux soins, Gabriel Attal a avancé plusieurs propositions pour « libérer du temps médical » pour les médecins. Il a ainsi réitéré la promesse présidentielle d’ « accélérer le passage de 6 000 à 10 000 assistants médicaux qui permettront aux médecins de pouvoir se consacrer davantage aux patients et moins aux formalités administratives ».
Autre proposition qui va cette fois enchanter (momentanément) les syndicats, la création d’une « taxe lapin », pour sanctionner les patients qui n’honorent pas leur rendez-vous médicaux sans prévenir. « Quand on a un rendez-vous chez le médecin et qu’on ne vient pas sans prévenir, on paye » a lancé Gabriel Attal, reprenant une idée qu’il avait déjà exprimé en avril dernier. Mais que les médecins, fatigués de ces rendez-vous non honorés, ne se réjouissent pas trop vite : le Premier Ministre n’a pas précisé les modalités de cette pénalité financière (qui en déciderait et sur quels critères, qui la paiera, qui en sera exonéré etc …) et l’on se souvient que lorsque le Sénat avait introduit l’idée d’une taxe lapin dans la dernière loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS), le gouvernement l’avait retiré du texte.
Enfin, Gabriel Attal a su, comme son mentor en politique, manier l’art du « en même temps » durant son discours. Pour la droite, le chef du gouvernement a annoncé une réforme « avant l’été » de l’Aide médicale d’Etat (AME), mais par voie réglementaire cette fois, pour éviter des débats enflammés. Pour la gauche, il a promis que la question « intime et délicate » de la fin de vie serait bien débattue au Parlement, « avant l’été » là aussi. L’hôpital aura été en revanche le grand absent du discours du nouveau Premier Ministre, qui a simplement regretté que « les moyens du Ségur de la santé ne sont pas encore arrivés partout ».
Lors de son discours devant les députés, Gabriel Attal aura une nouvelle fois confirmé qu’il maitrisait l’art de la communication. Reste à voir s’il peut également obtenir des résultats, une qualité bien plus rare chez les hommes politiques.
Quentin Haroche