
Clermont-Ferrand, le mercredi 20 avril 2022 – Selon l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), les deux tiers des services d’urgences sont en difficulté et un quart sont au bord de la rupture.
C’est un constat que l’on entend malheureusement de plus en plus souvent dans les discours des professionnels de santé, celui d’un hôpital public qui s’enfonce dans la crise et qui fait face à des difficultés de plus en plus insurmontables. Cette semaine, c’est l’Amuf qui tente d’alerter sur la situation extraordinairement difficile de son secteur. Le Dr Emmanuelle Seris, médecin urgentiste dans le Grand Est et porte-parole de l’Amuf, dresse un état des lieux très sombre de l’état des 474 services d’urgence que compte notre pays dans un entretien accordé au journal La Montagne.
25 % des services d’urgences au bord de la rupture
La situation est bien connue : les médecins urgentistes doivent faire face à un afflux de patients toujours plus important avec toujours moins de personnel et de moyens. Le nombre annuel de passages aux urgences augmente de 15 % chaque année, en raison notamment de la baisse du nombre de médecins généralistes. En parallèle, le nombre d’urgentistes et de lits n’a pas augmenté, bien au contraire. « Il n’y a pas eu d’effectifs supplémentaires, ni d’ajout de lits, voici le résultat de 20 ans de politique visant à créer un système de santé libéral » dénonce le Dr Seris. « Environ 80 000 lits ont été supprimés en 20 ans ».
Face à cette charge de travail croissante, de nombreux médecins et infirmiers sont à bout. « Aujourd’hui beaucoup de services sont en grève ou en situation de rupture, beaucoup de personnes sont en burn-out ou en arrêt, on constate de l’épuisement, du cumul de tâches par défaut d’effectif » explique la porte-parole de l’Amuf. « Nous sommes arrivé au point de rupture, des services ont été obligés de fermer la nuit ou plusieurs jours ». L’urgentiste prend notamment l’exemple du service des urgences d’Orléans, en grève depuis le 8 avril et où 40 % des soignants s’étaient mis en arrêt de travail fin mars.
Les accords de Ségur insuffisants ?
La situation dégradée des services d’urgences n’est pas nouvelle. En 2019, de nombreux hôpitaux ont été touchés par une grève des urgentistes. Si la pandémie de Covid-19 a mis en lumière ces difficultés, le Dr Seris estime que les décisions des autorités publiques « n’ont pas été à la hauteur ».
Les solutions avancées par l’Amuf ne sont pas nouvelles : il faut augmenter le nombre de lits et les effectifs « afin que les équipes soient mieux dimensionnés » ce qui passe par une revalorisation des salaires. « Avec le Ségur, le salaire des infirmiers est passé de la 26ème place en Europe à la 18ème, c’est encore insuffisant » explique le Dr Seris qui demande aussi de « revaloriser les gardes de nuits et les week-ends pour les médecins ».
La porte-parole de l’Amuf n’est pas très optimiste pour l’avenir et dénonce une « catastrophe sanitaire ». « Il y a actuellement une distorsion importante entre nos valeurs et ce qu’on fait, c’est d’une tristesse totale » conclut-elle amèrement.
Nicolas Barbet