Tous contre la grippe !

Paris, le mardi 8 septembre 2020 – La fin du mois d’août et le début du mois de septembre marquent dans de nombreux pays de l’hémisphère nord la préparation des campagnes de vaccination contre la grippe. Cette année, elles font l’objet d’une attention particulièrement soutenue.

L’objectif est en effet d’éviter le plus possible, grâce notamment à la vaccination, l’engorgement des services hospitaliers régulièrement provoqué par les épidémies de grippe, alors que la circulation de SARS-CoV-2 reste active et suscite de fortes préoccupations.

Le pire n’est cependant pas certain. D’abord, les observations venues de l’hémisphère sud suggèrent que l’épidémie grippale pourrait être restreinte. « Selon les chiffres de l’OMS, la dernière semaine d’août, sur deux millions de prélèvements de patients, 40 virus de la grippe ont été détectés, c’est dérisoire, L’année dernière, à la même période, sur 50 000 prélèvements sur une semaine, il y avait 5000 virus détectés », relève par exemple le professeur Bruno Lina, virologue et membre du Conseil scientifique. Parallèlement à ces données qui doivent cependant être appréciées avec prudence, l’expérience révèle que la concurrence entre les virus n’aboutit que rarement à une circulation active de plusieurs types de virus saisonniers en même temps. « Les virus respiratoires ont du mal à circuler en même temps quand ils visent le même profil de patients. Dans une année normale, on a des séquences d’épidémies : d’abord les rhinovirus de septembre à novembre, puis la bronchiolite jusqu’en décembre et de janvier à mars, la grippe. Ils se substituent les uns aux autres, car quand on est infecté on développe de l’interféron, une réponse immunitaire non spécifique, qui abaisse le risque d’être infecté par un autre pathogène. On pourrait donc imaginer que si le coronavirus circule de façon abondante, il va limiter l’existence des autres » développe encore cité par 20 minutes, Bruno Lina. Enfin, l’adoption désormais généralisée des gestes d’hygiène (port du masque, lavage des mains, distance physique) devrait avoir un impact certain sur la diffusion des virus de la grippe.

Vaccination pour tous les plus de 50 ans en Grande-Bretagne et les enfants de 2 à 11 ans

Cependant, il apparaît néanmoins indispensable d’utiliser tous les moyens de protection disponibles. Ainsi, plusieurs pays se sont-ils déjà engagés à renforcer considérablement la vaccination contre la grippe. En Grande-Bretagne, qui a été l’un des pays d’Europe les plus fortement touchés et qui connaît depuis quelques jours une hausse du nombre de cas de Covid, le gouvernement souhaite ainsi aller plus loin que les années précédentes. La vaccination est en effet recommandée et gratuite pour les femmes enceintes, les plus de 65 ans et les enfants de 2 à 11 ans. Les recommandations sont assez largement suivies avec 72 % des personnes ciblées vaccinées en 2019 ; cependant les couvertures sont souvent plus élevées pour les plus âgés que pour les enfants. Cette année, la préconisation et le remboursement intégral sont élargies à tous les plus de 50 ans. L’objectif est d’atteindre l’immunisation de la moitié de la population. Pour ce faire, des commandes massives de vaccin ont déjà été faites et la Grande-Bretagne disposerait actuellement de suffisamment de vaccins pour protéger 75 % de la population ciblée.

Obligations aux Etats-Unis

La situation est proche aux Etats-Unis où les CDC se sont fixés l’objectif d’une vaccination de 65 % de la population (contre 62,6 % en 2018-2019) et une atténuation des fortes disparités qui existent en fonction des communautés. Certaines structures ont devancé cette recommandation et les obligations se multiplient comme celles édictées par l’université de Californie pour l’ensemble de son personnel et de ses étudiants ou l’État du Massachusetts pour tous les enfants et étudiants. Pour faciliter l’accès au vaccin, le remboursement est promis par la très grande majorité des assurances, tandis que dans certains centres des bons d’achat sont même proposés à ceux qui choisissent de se protéger. Cependant, aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne l’organisation de la vaccination est parfois compliquée par les mesures liées à l’épidémie de Covid (fermetures d’école ou de certaines entreprises).

Des appels multiples en France et des autorités encore réservées

Et en France ? Dès le mois de juin, la Haute autorité de Santé (HAS) invitait à la réflexion et à l’action en rappelant qu’en 2019-2020, seuls 45 % des plus de 65 ans avaient été vaccinés contre la grippe. Depuis, les appels se multiplient émanant de différentes institutions et praticiens. Ainsi, comme en Grande-Bretagne, beaucoup estiment nécessaire d’aller au-delà des recommandations habituelles : le 19 août, vingt sociétés savantes de pédiatrie incitaient par exemple les parents à vacciner leurs enfants contre la grippe et le rotavirus. De nombreuses sollicitations concernent par ailleurs la vaccination des soignants, qui demeure encore trop restreinte en France, y compris et notamment dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (en 2018-2019, 76 % des médecins intervenant en EHAPD déclaraient s'être fait vacciner, contre 43 % des infirmiers et 27 % des aides-soignants). Aussi, l’Académie de médecine a-t-elle invité dès le 13 mai les pouvoirs publics à « rendre obligatoire la vaccination antigrippale pour tous les soignants et les personnels sociaux en contact avec les personnes vulnérables, en particulier dans les Ehpah, les institutions, les hôpitaux et les crèches ». Pour l’heure, cependant, la proposition de l’obligation de la vaccination des personnels de santé contre la grippe, qui a été mille fois évoquée (et qui semblait même particulièrement séduire Agnès Buzyn) n’a pas encore été reprise par le ministère de la Santé. Ce dernier promet une campagne de vaccination contre la grippe inédite et martèle : « Je souhaite qu’on vaccine massivement dans les EHPAD, que les soignants se fassent vacciner ». Reste à savoir si des injonctions plus strictes seront formulées et surtout si dans le contexte de très forte concurrence internationale concernant l’acquisition de doses vaccinales, la France n’a pas pris de retard et évitera les pénuries. Fin juillet, le risque d’un nombre insuffisant de vaccins pour couvrir toutes les personnes prioritairement ciblées inquiétait déjà les autorités belges.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Obligation suspendue par Xavier Bertrand

    Le 12 septembre 2020

    Je rappelle que la vaccination anti-grippale des personnels de santé avait été rendue obligatoire dans le code de la santé publique voici plusieurs décennies, et que cette obligation a été suspendue en 2006 pour des raisons qui n'étaient que peu sanitaires...

    Ce décret 2006-1260 a été signé le 14 octobre 2006 par Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, en accord avec son rapport remis au premier ministre. "L'obligation vaccinale contre la grippe prévue à l'article L. 3111-4 du code de la santé publique est suspendue".

    Dr Jean-Jacques Arzalier



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