
Paris, le samedi 14 octobre 2023 – Première femme homosexuelle au gouvernement, Sarah El Haïry a décidé de médiatiser sa grossesse par PMA.
Plus de deux ans après l’adoption de la dernière loi de bioéthique, qui a ouvert l’accès de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules, la fameuse « PMA pour toutes » n’a encore connu que peu d’applications pratiques, faute à des délais d’attente très long et à une pénurie de gamètes.
Au dernier pointage, réalisé le 2 août dernier pour les deux ans de l’adoption de la loi, la réforme n’avait abouti qu’à 444 grossesses et à la naissance que de 21 enfants. Parmi ces quelques centaines de futures mères, l’une a pu assister personnellement à l’adoption de cette loi qui allait changer sa vie, puisqu’il s’agit de la secrétaire d’Etat chargée à la biodiversité Sarah El Haïry.
Un coming-out très discret
La jeune ministre franco-marocaine de 34 ans, co-benjamine du gouvernement (elle est née le même jour que le ministre de l’Education Nationale Gabriel Attal) a en effet annoncé dans une interview à la Tribune du dimanche (nouveau journal créé par les dissidents du Journal du dimanche) avoir été enceinte grâce à une PMA et attendre un heureux évènement avec sa compagne Pauline.
La jeune femme, qui a occupé le poste de secrétaire d’Etat à la jeunesse de 2020 jusqu’au remaniement ministériel de juillet dernier, n’a pourtant pas l’habitude de mettre en avant sa vie privée. C’est d’ailleurs incidemment qu’elle avait révélé son homosexualité dans une interview à Forbes en avril dernier, devenant la première lesbienne déclarée membre d’un gouvernement en France. Au détour d’une phrase, la ministre avait en effet évoqué sa « compagne ».
Depuis, l’ancienne militante UMP finalement élue députée en 2017 à seulement 28 ans sous l’étiquette du Modem, a malheureusement subi son lot d’insultes homophobes sur les réseaux sociaux. Des attaques qui l’ont convaincu de mettre sa situation en avant et sa PMA. « Nous vivons un moment important, l’arrivée prochaine d’un enfant, je veux le dire haut et fort, montrer que c’est possible pour deux femmes en couple » explique la ministre.
Deux ans après l’adoption de la loi sur la PMA, qui a suscité des débats parfois houleux, mais bien plus apaisés que ceux sur le mariage homosexuel, la jeune femme se félicite évidemment de l’adoption de cette loi. « Les couples lesbiens et les femmes seules n’ont plus à se rendre à l’étranger pour se faire aider, mais il reste cependant des batailles à remporter dans notre société pour l’acceptation de tous » commente-t-elle.
Une marraine présidentielle
Dans cet interview accordé à ce nouveau journal, Sarah El Haïry détaille son parcours et le soutien reçu par le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie obstétrique à l’hôpital Foch de Suresnes, notamment connu pour avoir réalisé la première greffe utérine en France. Après un premier échec, sa seconde FIV a finalement été la bonne. « Nous avons eu de la chance, car en région parisienne, il n’y a pas de pénuries de gamètes, ce qui n’est pas le cas partout en France, malheureusement » commente la ministre, qui raconte que l’épouse du Président de la République Brigitte Macron est la première à avoir connu la bonne nouvelle.
L’ouverture de la PMA aux lesbiennes et aux femmes seules a fait exploser les demandes, passant de 2 000 demandes par an en moyenne à 15 000 supplémentaires depuis l’entrée en vigueur de la loi. Les centres d’aide médicale à la procréation sont débordés, les délais d’attente s’allongent (14 mois en moyenne alors que le gouvernement avait promis 6 mois maximum au moment de l’adoption de la loi) et surtout les stocks de gamètes sont insuffisants. Pour ne rien arranger, le gouvernement a récemment annoncé que les paillettes de sperme prélevés avant le 1er septembre 2022, soit avant l’entrée en vigueur de la levée de l’anonymat pour les donneurs de sperme, devront être détruites d’ici le 31 mars 2025.
La fille de Sarah El Haïry devrait voir le jour d’ici la fin de l’année. Quelle sera la durée du congé parental que prendra la ministre ? On se rappelle qu’en 2009, la ministre de la Justice Rachida Dati avait participé à un Conseil des ministres seulement cinq jours après la naissance de sa fille.
Quentin Haroche