Urgences : la grève encore et toujours

Paris, le mardi 18 juin 2019 – Le vote a eu lieu dans l’ensemble des services d’urgence actuellement en grève, soit 120 aujourd’hui. Son résultat est sans appel : les personnels hospitaliers ont décidé de poursuivre leur mouvement, à l’appel du collectif Inter-Urgences. Les mobilisations prévues pour les jours et les semaines qui viennent témoignent d’une volonté d’inscrire la révolte dans la durée : des manifestations sont programmées ce jeudi 20 juin devant les Agences régionales de la santé, tandis que le collectif participera à un défilé plus général le 2 juillet.

Une goutte d’eau

Les annonces faites par le ministre de la Santé ce vendredi soit le déblocage de 70 millions d’euros, dont 55 millions doivent permettre la généralisation et la revalorisation d’une prime de risque de 100 euros net mensuels ont été considérées comme largement insuffisantes. Le collectif fait en effet remarquer que par rapport au budget hospitalier global de 82 milliards pour 2019, ces 70 millions supplémentaires représentent une augmentation de 0,08 %, ce qui ne semble pas traduire une prise de conscience à la hauteur de la souffrance exprimée par de nombreux personnels. Par ailleurs, le refus d’Agnès Buzyn d’entendre les revendications concernant l’augmentation pérenne des effectifs (et non pas seulement en période de tension et de crise) et d’accepter un moratoire sur les fermetures de lit a été considéré comme rédhibitoire.

Loin des logiques syndicales habituelles

En maintenant le mouvement, le collectif confirme sa détermination et sa solidité, alors que le groupement est né il y a seulement quelques mois et s’écarte des logiques et politiques syndicales traditionnelles.

A l'origine du mouvement, Le Monde décrit un groupe d’une vingtaine d’infirmiers et d’aides-soignants travaillant depuis moins d’une dizaine d’années dans des services d’accueil et d’urgences de cinq hôpitaux de l’AP-HP. D’abord ignoré voire méprisé par les autorités de tutelle et par les centrales syndicales (certaines continuent à refuser le dialogue), le collectif a su s’imposer en quelques mois. « On a à peine déposé les statuts de notre association qu’on intègre déjà une mission ministérielle » observe ainsi le président du groupe Hugo Huon cité par le quotidien du soir.

Les syndicats reconnaissent que les actions du mouvement sont en phase avec les attentes des personnels. « Ils sont en train de faire bouger les lignes, de montrer que les manifs plan-plan d’un point A à un point B, ce n’est pas ça qui fait avance les choses » observe ainsi Olivier Youinou, secrétaire général adjoint de Sud Santé à l’AP-HP.

Contre les dogmes mauvais pour la santé

Témoignant d’une certaine déconnexion entre les syndicats traditionnels et les personnels des urgences, la naissance de ce collectif est également révélatrice d’une césure avec le gouvernement. Longtemps les membres du collectif ont ainsi regretté que le ministère de la Santé paraisse entendre de manière privilégiée les médecins, quand ce mouvement est d’abord celui d’infirmiers et d’aides-soignants. Le ministre résume en effet régulièrement (mais pas uniquement) les difficultés des urgences aux problématiques de démographie médicale, quand les facteurs sont en réalité multiples. Ainsi, alors que l’augmentation de la fréquentation des urgences est souvent évoquée, certains invitent à s’interroger sur les conséquences possibles du développement de la médecine ambulatoire qui ne sont que rarement mentionnées. La réduction du temps d’hospitalisation pourrait en effet contribuer à une hausse des consultations aux urgences, selon certains observateurs, une perception qui dérangera probablement un dogme solidement défendu par l’Avenue de Ségur. Mais c’est pour ébranler certaines de ces convictions que le collectif a choisi aujourd’hui de poursuivre son mouvement.

Léa Crébat

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Vos réactions (1)

  • A poursuivre

    Le 23 juin 2019

    Malheureusement c’est le seul moyen de se faire entendre par le gouvernement.
    Ne lâchez rien, il faudrait même que les autres services suivent.

    Marie-Claude Milhau (IDE)

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