Ebola : déception avec le plasma de convalescents

En l'absence d'antiviral disponible et ayant démontré son efficacité, les options thérapeutiques sont bien limitées face à une infection à virus Ebola (IVE). C'est pourquoi la piste du plasma de convalescents méritait d'être explorée lors de l'épidémie récente qui a frappé l'Afrique de l'Ouest. D'autant qu'une petite étude ouverte conduite en 1995 lors d'une flambée épidémique à Kikwit (République du Congo) avait montré des résultats encourageants (7 survivants sur 8 patients).

J van Griensven (Institut de médecine tropicale d'Anvers) et coll. ont donc conduit un essai ouvert du plasma de convalescent chez 84 malades hospitalisés pour une infection à virus Ebola dans un centre guinéen tenu par Médecins sans Frontières. Les patients éligibles devaient avoir une IVE confirmée par le laboratoire, ne pas présenter de contre-indications à des perfusions de plasma de convalescents (surcharge volumique en rapport avec une insuffisance cardiaque congestive ou une insuffisance rénale, antécédents d'allergie à des produits sanguins), ne pas être agités (pour éviter des risques supplémentaires pour le personnel soignant !) et ne pas être dans un état désespéré lors de l'examen initial. 

Ces malades ont reçu en ouvert deux transfusions consécutives ABO compatibles de 200 à 250 ml de plasma de convalescents (obtenues chacune à partir d'un donneur unique). Ce sérum provenait de sujets ayant survécu à la maladie dans les semaines précédentes. La détermination du taux des anticorps neutralisants le virus dans ces sérums n'a pu être pratiquée. 

Le groupe contrôle était constitué de 507 patients ayant été admis précédemment dans le même centre.

Le critère principal de jugement était le risque de décès entre le 3ème et le 16ème jour après le diagnostic, les patients morts avant le 3ème jour étant exclus de l'analyse. On a considéré a priori comme significative une différence de mortalité de 20 % entre les deux groupes.

Pas d'effet significatif sur la mortalité

Aucun effet secondaire grave n'a été constaté avec le plasma de convalescent.

Les résultats bruts se sont révélés globalement décevants : 31 % de décès entre J3 et J16 dans le groupe plasma contre 38 % chez les contrôles (soit une différence de 7 % avec un intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre - 18 et + 4 % ; NS). Lorsque les résultats étaient ajustés en fonction de l'âge des patients et d'une évaluation quantitative de la charge virale à la PCR initiale, la différence entre les deux groupes était encore plus faible (- 3 % avec un IC95 entre - 13 et + 8 %). 

Coup de chapeau

Ce travail a tout d'abord le mérite de confirmer que ce type de traitement est réalisable, même dans les conditions très difficiles d'une épidémie dans un pays ayant des structures sanitaires très limitées. De plus, il démontre qu'il est possible de conduire un essai thérapeutique dans de tels centres provisoires de prise en charge des malades. 

Toutefois cette étude ne permet pas de répondre avec certitude à la question posée. En l'absence de randomisation (non envisageable dans le contexte médical et culturel) il est en effet impossible, malgré les ajustements, d'écarter des facteurs de confusion qui pourraient expliquer l'absence de différence statistique entre le groupe des patients traités et le groupe contrôle. Il faut ici signaler que certaines données de ce travail plaident malgré tout pour une possible efficacité des perfusions de plasma de convalescents dans certains cas. Il en est ainsi des enfants (4 survivants sur 5 patients) et des femmes enceintes (6 survivantes sur 8 patientes).

La piste du plasma de convalescents ne doit donc probablement pas être abandonnée.

Dr Anastasia Roublev

Référence
van Griensven J et coll.: Evaluation of convalescent plasma for Ebola virus disease in Guinea. N Engl J Med., 2016; 374: 33-42.

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