Loi immigration : Aurélien Rousseau démissionne

Paris, le mercredi 20 décembre 2023 – Opposé à la version définitive du projet de loi sur l’immigration, le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a présenté sa démission.

« Si le texte est voté je pars, cela touche aux murs porteurs, je ne donne pas de leçons de gauche ou de morale à personne, je constate cliniquement que ce n’est pas possible pour moi d’expliquer ce texte ». Ainsi a justifié à nos confrères du journal Le Monde le ministre de la Santé Aurélien Rousseau sa volonté de démissionner, en réaction à l’adoption ce mardi par l’Assemblée d’un projet de loi sur l’immigration très inspirée des positions de LR et de celles du Rassemblement National (RN). Dans la nuit de mardi à mercredi, le ministre a mis sa menace à exécution et présenté sa démission à la Première Ministre Elisabeth Borne, cinq mois seulement après son entrée au gouvernement.

Ce mardi après-midi, lorsque la commission mixte paritaire (CMP) a, après près de 24 heures de travail, adopté une version très droitisée du texte présenté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, plusieurs ministres représentants de l’aile gauche de la macronie, dont Aurélien Rousseau, ont menacé de démissionner afin d’obtenir du Président de la République Emmanuel Macron le retrait du texte avant le vote dans l’hémicycle. Lorsque l’Assemblée Nationale a finalement adopté définitivement ce projet de loi qui prévoit de retirer certaines allocations aux étrangers et de faciliter leur expulsion, avec les voix des députés du RN (n’en déplaise au démenti inexact de Gérald Darmanin), Aurélien Rousseau a finalement été le seul de ces ministres frondeurs (au moment où nous écrivons ces lignes en tous les cas) à tenir parole et aurait présenté sa démission peu après minuit.

Agnès Firmin Le Bodo ministre de la Santé par intérim

Ce mercredi matin, une certaine confusion régnait encore sur la réalité de cette démission, une semaine après la « fausse démission » de Gérald Darmanin. Interrogée à ce propos sur les antennes de France Inter, Elisabeth Borne a assuré qu’Emmanuel Macron n’avait pas reçu la démission d’Aurélien Rousseau, feignant d’ignorer que c’est à elle et non au Président de la République qu’elle doit être présentée. « C’est un non-sujet » a répondu la cheffe du gouvernement, expliquant que certains ministres, dont celui de la Santé, étaient « concernés » par ce texte, mais qu’aucun n’avait l’intention de démissionner. « On va arrêter de commenter des choses qui n’existent pas » a-t-elle conclu.

Tout suspens a finalement pris fin à 12h30 lorsque, à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a confirmé la démission du ministre de la Santé, contredisant ainsi la version de la cheffe du gouvernement. Actuelle ministre des Professionnels de santé, Agnès Firmin Le Bodo a été nommée ministre de la Santé par intérim. Parmi les différentes mesures très droitières contenues dans la loi sur l’immigration, sans doute Aurélien Rousseau aura notamment été rebuté par celles concernant la santé des immigrés. Le texte prévoit ainsi de durcir les conditions de l’immigration médicale, en disposant qu’un visa pour raison médicale ne pourra pas être accordé si l’étranger peut bénéficier, même simplement théoriquement, d’un « traitement approprié » dans son pays d’origine et en indiquant que la Sécurité Sociale ne prendra désormais plus en charge les traitements des immigrés médicaux s’ils sont en capacité financière de s’acquitter eux même de leurs frais de santé.

Un certain courage politique

Par ailleurs, bien que la question ne soit pas abordée par le texte voté ce mardi par l’Assemblée Nationale, Elisabeth Borne a indiqué dans un courrier ce lundi au président du Sénat Gérard Larcher qu’elle était prête à céder à une vieille revendication de la droite et à réformer en 2024 l’aide médicale d’Etat (AME), dispositif assurant des soins gratuits aux immigrés clandestins. Ces dernières semaines, alors que le sujet avait été remis sur la table à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’immigration, Aurélien Rousseau avait exprimé à plusieurs reprises son attachement à ce dispositif favorable aux étrangers. « L’AME est un dispositif indispensable, efficace et évalué de santé publique » avait-il défendu le 29 novembre dernier.

Ancien militant communiste converti au macronisme, énarque passé par la direction de l’Agence Régionale de Santé (ARS) d’Ile-de-France durant la pandémie de Covid-19 et par le cabinet d’Elisabeth Borne, Aurélien Rousseau était présenté, lors de sa nomination avenue de Ségur le 20 juillet dernier, comme un ministre plus politique que son prédécesseur, le Dr François Braun. Il l’était semble-t-il trop, trop en tout cas pour accepter de défendre une loi auquel il est profondément opposé.

Quoi que l’on pense du fond de l’affaire, on ne peut que saluer le courage politique dont a fait preuve Aurélien Rousseau en quittant le gouvernement, panache qui manque malheureusement à beaucoup de nos élus. Emmanuel Macron va donc désormais devoir se trouver un nouveau ministre de la Santé, le quatrième depuis le début de son second quinquennat.

Quentin Haroche

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Vos réactions (23)

  • Démission de Mr Rousseau

    Le 20 décembre 2023

    Pour une fois qu'on avait un Homme qui tient parole, en tant que ministre , et en plus ministre de la santé ! C'est vraiment dommage. Bravo en tout cas pour votre courage sur ce sujet.

    G. Jréji

  • respect des valeurs

    Le 20 décembre 2023

    Simplement bravo !

    Dr R. Gries

  • Démission du ministre de la santé

    Le 20 décembre 2023

    C’est tout à son honneur
    Par un temps où les ministres se croient au dessus des lois en étant « coupables »mais pas « responsables » (ce qui vide les bureaux de votes des électeurs) ce monsieur montre qu’il a un sens de l’éthique que j’aimerais voir plus souvent chez des ministres qui, une fois qu’ils sont au pouvoir rayent le parquet et oublient les codes d’éthique pour le conserver

    Dr S. Bleuez

  • Un ministre démissionne, les problèmes persistent...

    Le 20 décembre 2023

    Au moins il aura eu le mérite d'être fidèle à sa fibre humaniste. Qui pour le remplacer ?: encore une pharmacienne, la dernière avait tué l'hôpital et fait fuir le personnel soignant, Agnès Firmin Le Bodo s'est récemment ridiculisée auprès du monde infirmier en lançant cette enquête complètement déplacée sur le métier infirmier à laquelle sont invités à répondre des non professionnels, il faut oser le faire. Les questions sont déjà complètement orientées et maintiennent l'infirmière dans un rôle de subordination obsolète alors que l'évolution voudrait que les compétences soient enfin reconnues à leur niveau. Question type: vous préférez que l'infirmière fasse des toilettes ou des piqures ? Cela ne présage pas du bon et on va droit dans le mur.

    P. Rod

  • "Un certain courage politique"...vraiment ?

    Le 20 décembre 2023

    20 juillet - 20 décembre...5 mois ! notre illustre inconnu va donc cruellement nous manquer....
    Ex prof d'histoire-géo et depuis 2009 énarque : ne nous inquiétons surtout pas pour lui !
    Car, comme tous ces fonctionnaires qui "démissionnent" - une expression si plaisante car risible...sauf lorsque le concerné ne dispose d'aucun filet pour amortir sa chute ! par exemple lorsqu'il sort du 'privé' ! - notre jeune ex ministre sera très vite recasé....
    C'est ainsi que notre généreux système énarchique récompense très grassement nos 'grands serviteurs de l'Etat' !
    On regrettera simplement que puisse porter (à vie SVP !) le titre de 'Ministre'.

    Dr A. Cros

  • Rousseau

    Le 20 décembre 2023

    Il part mais est assuré de toucher sa retraite de ministre. Faux rebelle mais vrai pitre.

    Dr G. Retournay

  • bon

    Le 21 décembre 2023

    Bon débarras : on ne le pleurera pas !

    Dr H. Baspeyre

  • Un manque de sang froid?

    Le 21 décembre 2023

    "Opposé à la version définitive,.....a présenté sa demission ". Mais l'est elle , "définitive", avec ce recours devant le Conseil Constitutionnel ? Qui va peut etre enlever 2 ou 3 épines du pied ?

    M. Le Moux

  • Bon débarras

    Le 21 décembre 2023

    Le ministère de la Santé a trop souvent été confié à des politicards.

    Dr P. Rimbaud

  • L'ombre du doute

    Le 22 décembre 2023

    Suivre les affirmations (Médiapart* 21/12/2023) relatives à Mme Agnès Firmin Le Bodo et la générosité de URGO auprès d'un certain nombre d'officines.
    Pas de démenti à la connaissance . Justice saisie pour l'intéressée , URGO condamné**

    M A Rousseau à eu du courage , peu partagé , n'en déplaise aux plus aigris.
    La "démission" de Mme S Retailleau (Enseignement sup et recherche) " refusée" (elle) me laisse beaucoup plus perplexe .
    Le Dr O Véran semble fidèle au(x) poste(s) : qui en doutait ?

    *https://www.mediapart.fr/journal/france/211223/champagne-et-montres-de-luxe-les-cadeaux-non-declares-de-l-industrie-pharmaceutique-la-nouvelle-ministre-d
    **https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/une-enquete-de-la-dgccrf-conduit-sanctionner-penalement-hauteur-de-66-meu-des-pratiques-du-0

    Dr JP Bonnet

  • Quel courage ?

    Le 23 décembre 2023

    Quel courage ? Négociations difficiles , ministère compliqué , peut-être que le poste ne m’emballai pas tant que ça. Ancien communiste et énarque, je n’en attendais pas grand-chose pour les libéraux .. le courage c’est de démissionner ou de rester à son poste pour régler les problèmes ? On peut donner son avis et assumer ce pourquoi on s’est engagé.

    Dr V.De Vaux

  • Quel courage ?

    Le 23 décembre 2023

    Quel courage ? Négociations difficiles, ministère compliqué, peut-être que le poste ne l’emballai pas tant que ça. Ancien communiste et énarque, je n’en attendais pas grand-chose pour les libéraux... Le courage c’est de démissionner ou de rester à son poste pour régler les problèmes ? On peut donner son avis et assumer ce pourquoi on s’est engagé.

    Dr V de Vaux

  • Démission Aurélien Rousseau

    Le 23 décembre 2023

    Ancien communiste et ex-prof d’histoire géo. Toutes les qualités pour continuer à plomber un système ultra socialisé vivant au crochet de la paupérisation et de l’exploitation des soignants.
    Devenu énarque puis « haut fonctionnaire », sa démission n’est pas un abandon de toute charge administrative. Il va rebondir rapidement. Avec les 22 agences de santé publique qui sucent le système, l’Etat va bien lui trouver une place.
    Maintenant je l’aimais malgré tout bien. On sentait chez lui l’homme d’Etat honnête, investi d’une mission, mais le chemin vers l’enfer (ici la socialisation du système) est souvent pavé de bonnes intentions (accès aux soins).

    Dr R Traversari

  • Sincère, mais pas de regrets

    Le 23 décembre 2023

    Certes on comprend sa démission... mais en 5 mois il n'a vraiment rien fait, soyons honnêtes. Le gouvernement continue à ajourner toute décision. Le suivant fera pareil.

    Dr A Wilk

  • La vertu du déserteur

    Le 24 décembre 2023

    Et depuis quand les hommes politiques doivent tenir parole ? N'importe quoi!
    Si on les y oblige, plus personne ne voudra être homme ou femme politique, non mais !

    Dr H Baspeyre

  • Courage

    Le 24 décembre 2023

    L'occasion de saluer la prédominance de l'éthique sur l'idéologie.

    Dr B Pradines

  • Démission du ministre des soins

    Le 24 décembre 2023

    La cause de démission est-elle celle là ou est-ce un prétexte pour un départ d'une cause politique cachée inavouable par la première ministre ou le président ? Comme l'existence d'un être supérieur dans les religions nous ne saurons jamais ici-bas.

    P. Hirsch

  • Démission du ministre des soins

    Le 24 décembre 2023

    La cause de démission est-elle celle là ou est-ce un prétexte pour un départ d'une cause politique cachée inavouable par la première ministre ou le président ? Comme l'existence d'un être supérieur dans les religions nous ne saurons jamais ici-bas.

    Dr P Hirsch

  • Homme d'honneur

    Le 24 décembre 2023

    M. Rousseau est allé au bout de ses convictions, en cette période où il y a beaucoup plus d'opportunistes que d'hommes de conviction. Tout en respectant sa décision, je me pose quand même une question : à côté de cette loi justifiant sa démission, n'y a-t-il pas non plus dans sa décision le souhait de ne pas porter la responsabilité de laisser aller une médecine à la dérive ? Il s'est sans doute rendu compte qu'il était impuissant, entre autres, à sauver un hôpital à l'agonie.

    Dr G Bouteiller

  • Bon vent !

    Le 24 décembre 2023

    Qui est ce personnage si important qu'il croit qu'il va laisser une trace dans l'histoire ?

    E Castelli, IDE

  • Démission du ministre de la santé : respect

    Le 24 décembre 2023

    Respect pour son humanité.
    Respect pour son analyse de l’économie de santé, laisser la maladie se répandre c’est le contraire d’une bonne politique.
    Bravo pour se tenir fidèlement aux principes qui font de la France ce qu’elle est.
    En dépit de divergences qui peuvent exister avec la communauté des soignants.

    Dr A Hajjar

  • Excuse bidon

    Le 24 décembre 2023

    4 ministres en a peine 3 ans, il y a de quoi s’interroger !
    Tout comme Buzin qui déserte le ministère pour la mairie de Paris, Rousseau a trouvé son prétexte pour se mettre sur la touche d’un ministère qui avance avec l’épée de Damoclès d’une gestion Covid catastrophique (multiples procès en préparation)…
    Et tous ces naïfs qui croient en la version romanesque officielle…. Ouvrez les yeux !

    T Jeannin, pharmacien

  • Démission opportune

    Le 30 décembre 2023

    Curieusement, le lendemain de sa démission était révélé la fermeture de 7000 lits d hôpitaux. M.Rousseau n aurait-il pas masqué l échec de son ambition de réhabiliter les hôpitaux sous le prétexte de la loi immigration ?

    Dr I. Merle

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