
Kiev, le vendredi 8 septembre 2023 – Les Etats-Unis ont promis de livrer à l’armée ukrainienne des munitions à uranium appauvri, une arme particulièrement controversée.
Après 18 mois de guerre qui a ravagé l’Ukraine et fait subir au peuple ukrainien son lot de bombardement et d’atrocités, le pays doit de nouveau faire face aux dangers du nucléaire. Mais cette fois, ce n’est pas l’envahisseur russe qui fait monter la pression en agitant le spectre d’une guerre atomique ou en prenant pour cible une centrale nucléaire, mais bien l’armée ukrainienne et son allié américain. Le ministre des Affaires étrangères américain a en effet annoncé ce mercredi lors d’une visite surprise à Kiev que les Etats-Unis, principal soutien de l’Ukraine dans cette guerre, allaient prochainement livrer à Kiev des munitions à l’uranium appauvri.
L’uranium appauvri est un sous-produit de l’enrichissement de l’uranium, l’uranium enrichi étant utilisé dans les centrales nucléaires ou pour la fabrication de bombes atomiques. L’uranium étant 1,7 fois plus dense que le plomb, l’uranium appauvri peut être utilisé dans le domaine militaire pour renforcer le blindage des chars d’assaut ou au contraire dans des munitions afin de plus facilement percer le blindage des tanks ennemis.
L’uranium appauvri a également la propriété de s’enflammer lors de l’impact avec sa cible. En raison de leur grande efficacité face aux blindés, les munitions à uranium appauvri ont été massivement utilisés par l’armée américaine lors de ses deux guerres en Irak en (1991 et à partir de 2003), ainsi que lors du bombardement de la Serbie en 1998.
Pas de consensus scientifique sur la question
Si l’utilisation de munitions à uranium appauvri n’est interdite par aucune convention internationale, leur emploi reste fortement controversé. Les scientifiques s’accordent à dire que si l’uranium appauvri est 60 % moins radioactif que l’uranium naturel, il présente en revanche la même toxicité chimique. La plupart des instances internationales estiment que le danger posé par l’uranium appauvri pour les militaires et les populations civiles est négligeable (outre le danger évident créé par la munition, mais qui est lui recherché). S’appuyant sur plusieurs études menées en Irak et dans les Balkans, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) conclut ainsi que « l’existence de résidus d’uranium appauvri dispersés dans l’environnement ne présente pas de risque radiologique pour la population des régions touchés ».
Mais l’absence de dangerosité sanitaire de l’uranium appauvri est loin de faire l’unanimité parmi les scientifiques. « Le principal risque n’est pas la radioactivité mais bien la toxicité chimique, l’ingestion ou l’inhalation de grandes quantités peut nuire au fonctionnement des reins » estime ainsi la Commission canadienne de sécurité nucléaire. « L’adjectif appauvri est trompeur, il serait plus juste de dire légèrement moins radioactif » dénonce le Forum du désarmement qui estime que « même si la concentration en uranium ou en uranium appauvri est faible, un petit risque de cancérogénèse demeure ».
L’uranium appauvri cause du syndrome de la guerre du Golfe ?
Certains considèrent notamment que l’exposition à l’uranium appauvri est la cause du syndrome de la guerre du Golfe, une somme de symptômes divers (fatigue, céphalée, vomissements, douleurs musculaires, diarrhée…) présentés par un grand nombre de vétérans américains de la guerre du Golfe de 1991 pour laquelle aucune explication satisfaisante n’a jamais été trouvée. D’autres estiment que l’utilisation de l’uranium appauvri aurait provoqué une hausse des cancers et des malformations congénitales en Irak durant l’occupation américaine des années 2000, notamment dans la ville de Falloujah. Des allégations qui n’ont jamais pu être prouvées scientifiquement.
Quelque soit le réel danger sanitaire de ces munitions, cette décision controversée des Etats-Unis est une aubaine pour la Russie en termes de communication. Moscou a immédiatement dénoncé la décision « inhumaine » des Etats-Unis de « transférer délibérément des armes avec des effets indéterminés » et a accusé Washington et Kiev de « faire une croix sur les générations futures ». N’étant plus à une contradiction près, la Russie a menacé d’utiliser à son tour des munitions à uranium appauvri en représailles. « Nous avons, sans exagérer, des centaines de milliers d’obus de ce type ».
Quentin Haroche