Qui pourrait arrêter de faire la tête ?

Glasgow, le samedi 10 décembre 2022 - La Fédération écossaise de football annonce interdire l'utilisation du jeu de tête la veille et le lendemain des matches professionnels et amateurs, à la suite de nouvelles recherches sur les affections cérébrales chez les joueurs à la retraite. Les clubs ont également été invités à limiter les exercices de tête répétitifs à une fois par semaine. L'Écosse avait déjà interdit la tête à l'entraînement pour les joueurs de moins de 12 ans.

Cette décision (qui ne concerne pas l’équipe d’Angleterre qui affronte la France samedi soir) se base, en particulier, sur une étude menée à l’université de Glasgow et parue en 2019 dans le New England Journal of Medicine.

3 fois plus de maladies neurodégénératives chez les anciens footballeurs professionnels


Ces travaux (commentés en leur temps par le JIM), menés sur 7 676 anciens joueurs de foot, mettaient en évidence le fait que la mortalité par maladie neuro-dégénérative est de 1,7 % chez les joueurs de football contre 0,5 % dans une population témoin. Les données confirmaient en revanche les effets bénéfiques du sport de haut niveau sur la mortalité toutes causes, jusqu’à l’âge de 70 ans. Si l’étude ne concluait pas sur les causes de cette relation, pour l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, cette surmortalité par maladies neurodégénératives s’expliquait par la répétition des chocs lors du jeu de tête.

Déjà, dans de petites séries de joueurs professionnels, le jeu de tête avait été associé à des perturbations de la biochimie du cerveau, à une diminution de l’intégrité de la substance blanche et à une réduction de la corticale, en l’absence de tout autre antécédent de commotion cérébrale. Un point intéressant, pouvant accréditer la thèse de la culpabilité du jeu de tête : la prescription de médicaments en lien avec la démence était moins fréquente chez les gardiens de but que chez les joueurs des autres postes.

Quoi qu’il en soit de l’origine de cette surmortalité par maladies neurodégénératives, à la SFA, le principe de précaution prévaut. Cette sensibilité britannique particulière au danger du jeu de tête pourrait trouver sa source dans le destin de l’équipe de football britannique victorieuse  de la coupe du monde en 1966. Parmi les 11 joueurs qui avaient gagné le Mondial, quatre sont morts avec une démence.

Au pays de Zidane, on reste adepte du jeu de tête…et du coup de boule !


De notre côté du chanel, les médecins de la Fédération française de football (FFF) ont  conduit leur propre étude, publiée en mai dans le Scandinavian Journal of Medicine and Science in Sports, portant sur un échantillon de quelque 6 100 anciens joueurs professionnels français. Comme l’étude écossaise, elle établit qu’ils ont développé plus de cas de démence que dans la population générale. En annonçant cette publication sur son site Internet, la FFF a pourtant mis en avant un autre résultat, à savoir que la pratique du football professionnel entraîne une « sous-mortalité globale » des pratiquants, notamment eu égard aux maladies cardiovasculaires et aux cancers…

Emmanuel Orhant, directeur médical de la FFF et coauteur de l’étude, souligne ainsi, auprès du journal Le Monde, que des dizaines d’années peuvent séparer la fin d’une carrière et la survenue d’une démence, période pendant laquelle peuvent survenir d’autres facteurs de risque. En outre, il ajoute que l’étude a porté sur le football des années 1960 et 1970, quand les joueurs, même professionnels, avaient une « autre vie » en dehors des terrains (qu’on se souvienne du tabagisme de Johan Cruyff par exemple !). « Des méta-analyses n’arrivent pas à démontrer le lien entre le jeu de tête et les maladies neurodégénératives », conclut-t-il.

En son for intérieur, le Dr Orhant s’interroge peut-être : que serait-il advenu de la France sans les deux têtes de Zidane un certain 12 juillet 1998 ? Quant au « coup de boule » de 2006 par le même Zidane, c’est une autre histoire…

F.H.

Références
Mackay DF et coll. : Neurodegenerative Disease Mortality among Former Professional Soccer Players. N Engl J Med., 2019 ; 381:1801-8. doi:10.1056/NEJMoa1908483.
Orhant E et coll : A retrospective analysis of all-cause and cause-specific mortality rates in French male professional footballers. Scandinavian journal of medicine & science in sports 2022. DOI : 10.1111/sms.14195

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