Tiers payant : dernière opération séduction des mutuelles

Paris, le mardi 31 janvier 2017 – La censure partielle de l’article consacrant le tiers payant intégral chez les professionnels de santé (introduit dans la loi de santé) par le Conseil Constitutionnel a supprimé l’obligation pour les soignants d’appliquer ce système à tous leurs patients à partir de décembre prochain. Les garanties concernant la gestion du dispositif et les délais de paiement n’étant pas suffisantes en ce qui concerne la "part complémentaire", les sages ont en effet considéré que les professionnels de santé ne pouvaient être contraints de réaliser le tiers payant total. Aussi, à partir de la fin de l’année, seule la part Sécurité sociale devra faire l’objet d’une dispense d’avance de frais.

Contracter d’un seul coup avec toutes les mutuelles

Ce coup d’arrêt du Conseil Constitutionnel à l’entreprise majeure du ministère de la Santé n’empêche pas aujourd’hui les mutuelles de poursuivre leur action en vue de l’application d’un tiers payant intégral. Il faut dire que la décision des sages ne les a pas libérées d’une autre obligation ne pesant que sur elles : dans le cadre de la réforme des contrats responsables des mutuelles, ces dernières se doivent d’assurer la réalisation pratique du tiers payant. Aussi, l’association des complémentaires santé a-t-elle présenté hier un nouveau portail accessible à l’adresse www.tpcomplementaire.fr. Pour l’heure, l’ensemble des dispositifs dévoilés par les mutuelles pour convaincre les professionnels de santé de la faisabilité et de la simplicité du tiers payant ont échoué. L’organisation espère obtenir d’avantage de succès avec sa toute nouvelle plateforme, qui permet au soignant de contracter en une seule fois avec la quasi-totalité des organismes de mutuelle. « Là où auparavant chaque professionnel devait contractualiser avec de multiples organismes », un contrat unique existe désormais, affirme l’Association des complémentaires. Il ne serait donc plus nécessaire grâce à ce système de contractualiser avec les quelques 450 organismes complémentaires !

Rien à saisir (ou presque) !

Une fois ce contrat signé, le tiers payant serait d’une grande simplicité. Un dépliant présent sur le site tpcomplementaire.fr insiste notamment sur le fait que « plus aucune saisie d’informations concernant la couverture complémentaire » ne sera nécessaire. La réalité est cependant moins idéale puisqu’il est précisé parallèlement que « Le professionnel de santé identifie la complémentaire santé du patient grâce à l’attestation normalisée (de complémentaire santé ndrl). Il peut scanner le Flashcode présent sur l’attestation pour éviter la saisie ». Le dépliant d’information poursuit en indiquant que les droits du patient seront vérifiés en temps réel, qu’un numéro d’engagement offrira une « preuve de l’opération avec la complémentaire santé » et qu’il sera possible de bénéficier d’un « suivi des factures et règlements des parts obligatoire et complémentaire » grâce au logiciel Sésame Vitale. Une « harmonisation des normes de facturation, d’information et de virement bancaire » est également promise. Enfin, un numéro vert est mis à la disposition des professionnels de santé pour toute question (accessible au 0 806 800 206).

Idyllique, la version de l’Association des complémentaires santé ne dit rien des patients ayant oublié leur carte vitale ou leur attestation de mutuelle. Elle se montre également muette sur le sujet de la prise en charge éventuelle des dépassements d’honoraires (et leur paiement en cas de non remboursement). Elle fait en outre l’impasse sur les bugs éventuels, mais promet cependant des délais de paiement inférieurs à sept jours.

Le boycott toujours d’actualité

Sans surprise, cette copie des mutuelles n’a pas plus convaincu les professionnels de santé que les précédentes. Outre son opposition au principe même du tiers payant, le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) a critiqué le contrat proposé par les mutuelles. « Il nous faut signer un contrat de 14 pages et saisir notre RIB pour chacune des mutuelles. Selon moi, ce portail ne change rien et le système reste désincitatif » a ainsi dénoncé cité par le Quotidien du médecin, le patron du syndicat, Jean-Paul Ortiz. « On ne le fera pas, on ne s’inscrira pas » martèle-t-il encore. L’ensemble des syndicats de médecins libéraux sont sur une ligne similaire. Tous ont redit leur hostilité au système du tiers payant en appelant même pour plusieurs d’entre eux à son boycott (MG France, la CSMF, Le Bloc et le Syndicat des médecins libéraux) en ce début d’année, à l’heure de l’application obligatoire du dispositif aux femmes enceintes et aux patients relevant du régime ALD (Affection longue durée). Les récentes révélations de l’Union des syndicats de pharmacien d’officine (USPO) concernant le caractère chronophage de la gestion du tiers payant n’ont pu que les conforter dans le rejet d’un système dont ils redoutent notamment les contraintes administratives.

La Mutualité toujours sûre d’elle

Cette hostilité prégnante des praticiens, dont la fermeté est renforcée par l’approche des élections présidentielles, n’empêche pas les mutuelles de poursuivre leur propagande en faveur du dispositif. Ainsi, aujourd’hui, sur le site de la Mutualité on peut lire un article reprenant les conclusions d’un rapport publié en 2013 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui affirmait que ce système n’engendrait pas d’inflation des soins. « Le recours au tiers payant ne pousse pas les plus aisés à la consommation mais amène les plus défavorisés à la consommation moyenne », insiste la Mutualité. Ceci devrait donc mathématiquement augmenter les dépenses de santé. CQFD.

Aurélie Haroche

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Vos réactions (1)

  • Bonjour et au revoir

    Le 03 février 2017

    Je déplaque et je prends ma retraite. Basta de cette médecine administrative ou tout le monde trouve normal de payer une consultation chez un médecin moins cher que chez un plombier. Les médecins belges ont choisi de se déconventionner massivement et de gérer leur tarifs eux meme,les belges ont approuvé cela.Pourquoi ne pas faire de meme en France ?

    Dr Simon Valenti

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