
Coopération et réflexion
De quelques centaines à quelques milliers de réfractaires à l’hôpital
Au-delà des déclarations, une incertitude demeurait encore ce matin quant à la proportion de personnes n’ayant reçu aucune injection d’un vaccin contre la Covid et soumises à l’obligation vaccinale prévue par la loi du 6 août 2021. De l’avis de tous, les derniers chiffres publiés le 7 septembre par Santé publique France (88,6 % de primo-vaccinés en établissements de santé, 88,1 % en EHPAD et 93,9 % en libéral) sont largement dépassés. Vaccination de dernière minute, congés et volonté de transmettre son attestation au dernier moment ont en effet probablement eu, en quelques jours, une influence considérable sur ces taux. La ministre de la transformation et de la fonction publique, Amélie de Monchalin affirmait ainsi lundi : « Les derniers chiffres qu’on a eus, c’est que plus de 95 %, 96 % des fonctionnaires agents publics des hôpitaux sont aujourd’hui avec une première dose, que les 3-4 % restants avaient l’intention de se faire vacciner, qu’il reste peut-être 1 % d’agents dans les hôpitaux qui ne souhaitent pas se faire vacciner », a-t-elle déclaré. Ces taux sont comparables à ceux avancés par le patron de l’AP-HP Martin-Hirsch et varient également peu dans les grands CHU français. Au total, le patron de la Fédération hospitalière de France (FHF), Frédéric Valletoux prédit : « on trouvera évidemment quelques centaines ou quelques milliers de réfractaires » (sur un million d’agents hospitaliers). Du côté du SYNERPA, on avance : « Rapporté aux 300 000 à 350 000 salariés du secteur, on peut s'attendre à environ 3 000 contrats de travail suspendus dans les prochains jours ».Deux impératifs à concilier : respect de l’obligation et continuité des soins
Bien sûr, les syndicats sont bien moins optimistes. Cependant, les faibles mobilisations aux appels à manifester hier dans l’hexagone ne suggèrent pas une fronde d’ampleur, d’autant plus que l’on pouvait compter au sein des défilés des personnels vaccinés mais voulant témoigner leur opposition au principe de l’obligation. Néanmoins, compte tenu des problèmes d’effectifs qui touchent chroniquement la plupart des établissements, ils mettent en garde : « Même s’il reste une infime partie de réfractaires, sans eux, nous n’arriverons plus à faire fonctionner l’hôpital », explique (exagérément alarmiste) dans Le Monde, Christophe Prudhomme, de la CGT Santé. Or, même si la FHF refuse que quelques cas particuliers soient « instrumentalisés », dans quelques hôpitaux, l’inquiétude est réelle. « Cela peut être très compliqué de remplacer certains soignants, car nous sommes déjà dans un contexte de tension sur les effectifs, avec un absentéisme un peu plus fort que l’an dernier », reconnaît ainsi François René-Pruvot, président de la Conférence des présidents de commissions médicales d’établissement des centres hospitaliers universitaires (CME-CHU). Aussi, même si les établissements sont tenus d’effectuer les contrôles et de suspendre les personnels non vaccinés, dans certains cas, la nécessité de concilier impératif de continuité des soins et respect de l’obligation vaccinale pourrait entraîner quelques douloureux cas de conscience. L’épreuve pourrait être plus importante et plus fréquente encore dans les EHPAD.Toujours la pédagogie aux Antilles
Comme souvent, des disparités locales importantes existent. Concernant les EHPAD, l’inquiétude est ainsi par exemple la plus forte en Savoie et Haute-Savoie. En métropole, les Bouches-du-Rhône s’attendaient également à rencontrer plus de difficultés que sur le reste du territoire. Dans quelques unités, des lits sont ainsi restés fermés après la fin de la période estivale, afin d’éviter de devoir les fermer en catastrophe. Mais plus encore, c’est en Martinique et en Guadeloupe où le taux de vaccination chez les agents hospitaliers n’est guère plus élevé que dans la population générale (autour de 30 %) que la frayeur est la plus importante. Hier, soir, in extremis, après deux jours de fébrilité quant à la date d’entrée en vigueur de la loi dans ces territoires après les déclarations ambiguës d’Olivier Véran en août sur ce point, l’Agence régionale de Santé a précisé qu’elle serait appliquée « progressivement » en Guadeloupe et en Martinique, mais immédiatement à Saint-Barthélemy et Saint-Martin où la situation sanitaire est aujourd’hui meilleure. Ainsi, les phases de contrôle seront lancées parallèlement à l’allègement des mesures de freinage de l’épidémie, tandis qu’au moins jusqu’à la mi-octobre, la priorité sera donnée à la pédagogie.Aurélie Haroche